mercredi 19 juin 2019

Compte-rendu de soutenance de mémoire en didactique de l'histoire


Compte-rendu de soutenance de mémoire en didactique de l'histoire
                                                                                                 Date de soutenance : 12/06/2019
Université Virtuelle de Tunis
Institut Supérieur de l’Education et de la Formation Continue
Candidat : Rahmouni Tarek
Sous la direction du professeur :  Mokhtar Ayachi


Titre du mémoire : Hannibal et El-Kahina : l’ambivalence des héros dans les représentations de l’identité nationale chez les lycéens.
Nombre de pages : 207
***************
            Il s’agit ici d’une recherche totalisant plus de 200 pages traitant du rapport des lycéens à leur identité commune, à travers deux héros choisis de l’histoire nationale. Deux icônes sont convoquées : Hannibal et El-Kahina.
          C’est l’analyse du processus de l’enseignement-apprentissage du savoir scolaire, ou comment visiter l’histoire scolaire, à travers des symboles tirés des cursus que le candidat nous livre ici avec une originalité, aussi bien en amont qu’en aval du corpus étudié.
            Il faut dire qu’avec les mutations sociales connues en Tunisie au cours de cette décennie, le rapport à l’histoire, ainsi qu’au drapeau national lui-même, ont bien changé. Les repères de l’identité nationales se trouvent également bousculés et sujets d’attraction entre deux forces opposées : le politique et la société civile. C’est un thème socialement vif.
         Les questions idéologiques ressurgissent à chaque contour parce qu’il s’agit d’une relecture de l’histoire nationale, de façon implicite il est vrai, car il n’est pas aisé de bousculer des certitudes plusieurs fois centenaires, notamment lorsqu’il s’agit de question à consonances religieuses avec leurs symboles divers.
           Déjà depuis le réforme du ministre Mohamed Charfi,  des années 90, les cursus scolaires en histoire ont bien remplacé le concept « فتوحات إسلامية » par « انتشار الإسلام ». Mais les résidus stéréotypés des sources arabes de l’histoire nationale, au cours de la période islamique, ne reconnaissent pas réellement les 18 siècles de civilisation écrite depuis l’apparition de l’alphabet phénicien sur les côtes méditerranéennes de l’Ifrikia. La même chose, d’ailleurs est observée par l’oubli conscient dans ces sources des nombreux siècles de la civilisation capsienne et son règne plusieurs fois millénaire sur tout le Maghreb, avant l’arrivée des Carthaginois.
           Les sources arabes, sont presque fermées à la présence de l’Altérité qu’elles occultent volontairement. Elles sont muettes ou le demeurent sur plusieurs siècles après le déclin de Carthage et sa civilisation. Elles ignorent l’autre, l’antéislamique, la « Jahilia » (provenant du mot « jahl » ou ignorance), comme si l’histoire commence avec l’arrivée des Arabes. D’ailleurs, ces sources entretiennent volontairement la confusion entre Arabes et Musulmans, arabisation et islamisation... Les tabous sont ainsi vite installés dans l’historiographie classique arabe, où demeurent encore une confusion totale entre mythe et histoire (voir à ce propos les cursus d’histoire pour enseignement des adultes dans le mémoire de Taher Fayek).
            Dans ce contexte historiographique des sources arabes, où tradition, stéréotypes et autres tabous, ne sont pas encore soumis à la lecture critique et à sa loupe scientifique, les deux poids et deux mesures  historiques demeurent injustement. Ainsi, les 14 siècles de présence arabe en Tunisie ou au Maghreb pèsent plus que les 18 siècles d’histoire écrite depuis la présence des Phéniciens sur les côtes tunisiennes, notamment. Ils vont jusqu’à les occulter totalement.
           Contrairement à la Reine Didon et aux autre icônes de l’histoire carthaginoise, le drame de la Reine des Aurès provient de la volonté des berbères de s’opposer aux envahisseurs de leurs territoires. D’ailleurs, les Puniques ont fait autant face à l’hégémonie des Romains. A ce titre, Hannibal est réhabilité en héros de la fierté nationale, alors qu’El-Kahina est détrônée, parce qu’elle a tenue tête  à Hassen Ibnou Noômane. Ses troupes l’ont même défait, lors de sa première expédition. En tant qu’obstacle à pénétration arabe dans le pays berbère, elle a fut l’objet d’une diabolisation dans les sources arabes. Son titre de Dehya (comme Didon) est devenu même péjoratif jusqu’à nos jours dans le langage populaire. La signification arabe de " دحية " et "دادون" est collée à des personnages qui ne valent rien ! Dehya et Didon, en tant qu’héroïnes de l’histoire de l’Ifriqiya, ne sont pas admises en historiographie arabe, surtout si elles étaient des adversaires et guerrières tenaces, comme El-Kahina qui a eu droit aux attributs d’Infidèle, Kafra ou mécréante.  Son règne est décrit comme un âge obscur caractérisé par le désordre et l’injustice. Sa fin signifie, dans ces sources, notamment celles d’El-Wekidi, la restauration de la loi divine !
         C’est l’histoire vue du coté des conquérants qui censurent les récits d’agression, de destruction en soulignent, toutefois, les pillages halal et autres « ghanima » ou butins légitimes…
            Où est notre El-Kahina dans tout cela ? Elle symbolise le héros vaincu, la statue  à abattre, voire la risée ou l’antihéros à ne pas imiter, à congédier, à refouler... C’est l’ennemie des conquérants arabes et musulmans de l’Ifriqiya ou Tunisie d’aujourd’hui.
           Comment se situer au niveau de l’identité, par rapport à elle ? Comment se situer par rapport à Hannibal, symbole de fierté nationale ? C’est l’ambivalence des repères identitaires qui meublent le savoir scolaire historique avec sa charge idéologique occultant l’identité berbère de la Tunisie et cultivant l’amnésie culturelle jusqu’au déracinement civilisationnel. Tout cela au non d’une prétendue  « unité nationale ».
          Quel rapport à ce savoir observent les élèves et quelle posture du côté des enseignants ? C’est là l’originalité de ces questions traitant de l’appropriation du savoir historique en contexte scolaire autour d’un thème sensible et central qui est celui de l’identité nationale.
           Au niveau didactique, les héros servent de vecteurs appropriés véhiculant toute sorte de charges dans l’appropriation du savoir historique, surtout auprès des scolaires, des adolescents à la recherche d’idoles.
          Comment construire ces héros ? Comment les manipuler ? Pour quelles finalités dans l’opération de la gestion du savoir historique ? Ce sont autant de questions rappelant le maniement d’un arsenal, mais ici il s’agit de l’arsenal conceptuel, bien entendu. Ce sont des questions très sensibles et socialement vives.
Notre candidat nous offre ici une incursion dans cette prairie historique où il nous présente d’abord, dans son travail, le héros dans l’usage de l’histoire scolaire visitée du côté des cursus ainsi que des pratiques sociopolitiques.
           Il traite des enjeux actuels de la question identitaire se rapportant à la thématique étudiée dans le cadre du processus enseignement-apprentissage avant de passer à la visite du savoir-savant où il est question du rapport Héros et Identité entre la rigueur historique  et la subjectivité de la mémoire collective.
          Un langage conceptuel fourni autour du héros, identité, représentations, mémoire collective, légende, mythe exprime une analyse scientifique bien soutenue dans la deuxième partie de cette recherche, dont le niveau est réellement celui des thèses de doctorat. D’ailleurs, à juste titre, le candidat a déjà fait ses premières armes dans le cadre d’un DEA d’histoire il ya quelques années.
          Dans une troisième et dernière partie du travail présenté, il est question du traitement de données empiriques autour de l’ambivalence de nos deux héros balisant les repères identitaires de nos lycéens.
           A travers ce travail, sont visibles les finalités civiques de l’histoire enseignée ainsi que l’écart constaté entre les objectifs explicites, mentionnés dans les textes officiels, et les pratiques réelles de classes d’histoire qui ignorent les dimensions épistémologiques du savoir historique ainsi que les ABC didactiques. Ce hiatus entre les cursus, tels qu’ils sont tracés officiellement, et les pratiques du métier d’enseignement, représente le point faible de l’opération enseignement-apprentissage étudiée générant des anachronismes historiques au niveau des appréciations des faits par les élèves.
          Les résultats de recherche sont clairement formulés. Ils concernent la carence dans les programmes touchant l’histoire berbère du pays qui influe négativement sur le registre d’identification engendrant une conception étriquée de l’appartenance. Celle-ci ampute ainsi la composante berbère, occultée au profit d’une vision renfermée sur l’arabo-musulman.
            L’altérité est réduite à une signification restreinte chez les élèves. Elle désigne, pour eux, l’Occidental, le non arabophone, le non musulman. Le rapport à l’autre, atrophié, influencé par des considérations religieuses issues de référentiels historiques réducteurs d’historiographes arabes arrive à toucher la composante identitaire, elle-même, dans sa dimension berbère, maghrébine africaine et méditerranéenne. Quant aux perspectives (qui ne forment pas, méthodologiquement une partie à part, comme il est fait malencontreusement dans le travail), elles annoncent des pistes de recherche prometteuses en thèses, touchant à l’oubli, conscient ou non, dans le panthéon des héros nationaux, en réhabilitant, pourquoi pas, ceux qui en sont injustement exclus par l’historiographie arabe classique…
         Enfin, une belle bibliographie thématique et critique clôture ce travail dont la lecture attentive est recommandée.



Compte-rendu de soutenance de mémoire en didactique de l'histoire Date de soutenance : 12/06/2019 Université Virtuelle de Tunis Institut Supérieur de l’Education et de la Formation Continue Candidat : Fayek Taher Sous la direction du professeur : Mokhtar Ayachi Titre du mémoire : Les leçons d’histoire dans les programmes d’éducation des adultes : une formation à la citoyenneté. Nombre de pages : 169 *************** Il s’agit d’un travail de recherche sur les exclus de la scolarisation, c’est-à-dire sur l’alphabétisation de ceux qui en étaient privés pour une raison ou une autre. L’objectif est de les rendre plus utiles à eux-mêmes et à leur société, de les réintégrer dans le circuit socio- économique actif. Comment se déroule cette opération de repêchage ? Quels cursus leur sont-ils réservés ? Quel rapport au savoir, du côté apprenants et du côté enseignants ? Enfin, quel profil ont ces derniers, en tant que formateurs d’adultes ? Tous les pôles didactiques, ou presque, sont convoqués, à part celui du milieu socioculturel avec son pesanteur déterminant dans cette opération visant l’intégration des alphabétisés. La question cruciale que se pose le candidat dans son travail est de savoir : « comment peut-on améliorer les attitudes, les comportements, voire les pratiques civiques, en vue de participer pleinement à l’évolution économique et sociale du pays » ? La formation des exclus de l’école ne doit pas se limiter, bien sûr, à pallier les insuffisances de la scolarisation publique mais plutôt faire appel à des méthodes d’apprentissage plus adaptées. Pour traiter ce thème, le candidat a mobilisé nombre d’outils formant son corpus, à savoir : - Les Textes officiels (décrets, circulaires) se rapportant au cursus d’enseignement pour adultes. - Les programmes officiels, les manuels destinés aux adultes, les guides méthodologiques, les modèles d’évaluation : examens, projets de formation des formateurs (enseignants et inspecteurs) - Des questionnaires destinés aussi bien aux apprenants qu’aux enseignants, mais aussi des visites en classes, des discussions avec les auditeurs ainsi que le produit des journées de formation de formateurs. Le candidat se fixe ici la tache d’analyser le hiatus entre les objectifs civiques exprimés dans les cursus et la mise en œuvre en classe d’alphabétisation. Il s’agit de mesurer les carences entre les objectifs déclarés de formation à la citoyenneté et la réalité des cursus, à travers le processus enseignement-apprentissage, des leçons d’histoire et d’éducation sociale. Pour traiter de cette problématique, Taher Fayek a mobilisé un petit « arsenal » de concepts tels que : l’andragogie, les représentations, la motivation, l’éducation civique, les méthodes actives et les méthodes passives, etc… Ce travail contient trois parties : - La première (servant de diagnostic) est réservée à l’étude critique de l’état des lieux de l’enseignement de l’histoire dans les cursus réservés aux adultes, en vue de détecter les carences au niveau de tous les pôles didactiques. - La deuxième partie est réservée aux appréciations des études théoriques traitant des grands axes de la thématique de la question de l’alphabétisation, visitée sous l’angle de l’enseignement des matières sociales, notamment l’histoire, avec les méthodes nouvelles d’apprentissage et leur spécificité pour les publics adultes. Il s’agit des modes de construction et de fonctionnement du savoir, des modes de sa transmission et d’acquisition ou d’appropriation par l’apprenant adulte. - La troisième partie, enfin, s’attèle à la vérification des hypothèses énoncées dans le travail. Il s’agit de l’approche empirique qui jauge l’écart entre les ambitions des programmes et autres textes officiels et la réalité des outils didactiques mis à la disposition des formateurs. Cette carence didactique handicaperait la formation à la citoyenneté chez l’adulte. D’ailleurs, considérer les leçons d’histoire comme seul moyen d’éducation à la citoyenneté reste une mesure assez limitée au niveau des attitudes, du comportement et des pratiques civiques des adultes, objet du corpus étudié, en dépit de la motivation et des disponibilités. Les carences touchent également la formation des formateurs au double niveau aussi bien des enseignants que des inspecteurs eux-mêmes en plus de l’opacité des finalités dans les programmes officiels de l’éducation des adultes et de la prédominance des méthodes passives d’apprentissage… à l’image des cours dispensés en contexte scolaire. Les cours d’alphabétisation, tels qu’ils fonctionnent actuellement, réservent peu de méthodes spécifiques aux besoins et aux attentes du public adulte. Ils reproduisent relativement les mêmes coutumes scolaires d’apprentissage pour enfants ou adolescents. Les démarches didactiques de l’enseignement de l’histoire, en contexte d’alphabétisation, sont ainsi caractérisées par des carences multiples empêchant le plein accès des exclus de la scolarisation au savoir civique et au savoir être citoyen… Au niveau des résultats de recherche, le candidat confirme que le système d’enseignement transmissif classique ne peut favoriser chez le public adulte un rapport actif aux savoirs. D’ailleurs, les espaces des cours d’alphabétisation ne sont pas, non plus, conçus pour une andragogie moderne qui peut stimuler l’intérêt des apprenants et leur épanouissement. Cette expérience, entamée à l’échelle nationale depuis quelques années, reproduit les mêmes carences scolaires observées en classes primaires, et du second degré (collèges et lycées) et mériterait des correctifs urgents. Il est de même, d’ailleurs, pour les coutumes scolaires désuètes, au niveau de la formation des formateurs et des pratiques d’enseignement transmissif et dogmatique, qui caractérisent le système scolaire dans son ensemble, en l’absence de pratiques didactiques, pédagogiques et andragogiques actualisées, favorisant une formation à la citoyenneté. Notre système d’éducation produit et reproduit, contrairement aux attentes officielles déclarées, malheureusement, des sujets non pensants, au lieu de contribuer à la formation à la citoyenneté éclairée par un enseignement critique visant le développement de l’intelligence…


Compte-rendu de soutenance de mémoire de Mastère
en didactique de l'histoire


Date de soutenance : 12/06/2019
Université Virtuelle de Tunis
Institut Supérieur de l’Education et de la Formation Continue
Candidat : Omri Arbi
Sous la direction du professeur :  Mokhtar Ayachi



Titre du mémoire : L’approche par « situation-problème » et son rôle dans l’acquisition des concepts historiques chez les élèves des 5èmes et 6ème années de l’enseignement de base.
Nombre de pages : 154
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          A l’origine de ce mémoire de recherche, une réflexion sur la pratique enseignante  en vue de l’acquisition par les élèves de l’enseignement primaire des concepts historiques. Il est vrai que le programme des matières sociales, et notamment celui de la discipline historique, est très fourni et très étendu dans le temps, en entassant une période de dizaines de siècles à la fois.
Comment rendre, alors,  l’enseignant  de ces contenus profitable aux élèves ? Comment gérer la transmission de ces connaissances et leur acquisition par les jeunes élèves ? Comment rendre ces élèves réceptifs en provoquant leur curiosité intellectuelle pour le passé, un passé de longue durée ? Comment rendre, enfin,  ce temps mort attrayant et lui insuffler une vie ?
 Pour répondre à ces questions qui taraudent les enseignants dans la pratique de leur métier, le candidat est parti de leur difficulté devant cette discipline à transmettre avec profit à leurs élèves. Il localise ainsi deux obstacles majeurs:
-         Le premier concerne les pratiques enseignantes, au niveau de la méthodologie suivie dans la médiation  se rapportant à la transmission des connaissances historiques ;
-         Le deuxième obstacle réside dans l’incompétence des enseignants du primaire, vue leur formation généraliste reçue, à assurer avec profit  l’enseignement des connaissances historiques, à de jeunes enfants dont la représentation pour le passé reste encore très limitée, vu leur âge.
         Ces deux postulats vont guider le candidat dans sa réflexion didactique  autour de ce thème. Pour cela, il avance, comme première hypothèse, l’adoption du concept de « situation-problème » qui pourrait aider  considérablement  à la construction du savoir historique et permettre son appropriation par les élèves en fin du cycle primaire.
           L’adoption de ce concept, souligne le candidat, influe positivement sur la participation des apprenants à la construction du savoir historique à acquérir ou qui leur est destiné.
         Le deuxième postulat concerne la formation elle-même, de l’enseignant dans la spécialité des matières sociales et son adoption ou son usage d’un tel langage conceptuel dans ses cours d’histoire. Sa médiation,  dans l’exercice de sa fonction enseignante, est tributaire d’une telle posture dans son rapport au savoir scolaire transmis. C’est la garantie de l’assimilation du savoir  historique par les élèves.
L’adoption de la « situation-problème » en rapport avec un fait historique donné légitime sa raison d’être dans l’opération d’enseignement-apprentissage. Il s’agit là, d’une réponse à une demande qu’il faut provoquer au préalable. En effet, un fait historique donné ne peut graviter seul en électron libre : Il faut savoir ce qui l’a provoqué et pour quelle raison ? Quelles sont les conséquences ? Quelles leçons pourrait-on en tirer pour l’avenir ? Ainsi le passé peut être mobilisé ou convoqué au service de l’avenir.
          Construire un contexte pour ces opérations mentales est synonyme de la signification du concept de « situation-problème ». En étant conscient du sens épistémologique du savoir historique qu’il manipule, l’enseignant ne peut que réussir l’opération d’enseignement-apprentissage avec profit pour ses élèves ; c’est-à-dire qu’il arrive à provoquer en eux une curiosité intellectuelle qui développe leur intelligence.
         A l’inverse, un rapport passif au savoir historique crée un désintérêt, une déconnexion chez les élèves et les incite à tricher lors des évaluations de connaissances bêtement mémorisées…
         C’est cette réalité que Arbi Omri essaye d’analyser à travers le processus d’enseignement apprentissage de la matière historique dans le cursus des deux dernières classes de l’école primaire.
Trois parties d’égale importance se disputent le contenu de cette recherche : la première est réservée à l’étude de l’état des lieux se rapportant à la matière historique, dans les deux dernières classes du primaire ; la seconde traite du savoir savant et des résultats des recherches académiques autour du concept clé du sujet et de son approche. Enfin, une dernière partie empirique jauge la validité ou l’évaluation des hypothèses énoncées.
Après un aperçu général sur les programmes officiels d’histoire au primaire et sur leurs contenus scientifiques ainsi que sur la situation d’enseignement-apprentissage en histoire à ce niveau, le candidat, en tant qu’Inspecteur des Ecoles primaires, a insisté sur les pratiques enseignantes, ayant cours, en les opposant aux vœux déclarés dans les programmes et autres instructions officielles, aux manuels scolaires pour déboucher enfin au constat de l’évaluation des apprentissages en soulignant, toutefois, la nuance entre « évaluation de connaissances » et « évaluation des compétences ».
La visite du pôle savoir-savant est focalisée sur l’ « approche par situation-problème » à adopter dans l’enseignement de l’histoire, en vue de l’acquisition des concepts historiques ainsi que de la formation chez l’élève du sentiment de citoyenneté et de l’identité  dans ses dimensions nationale et universelle.
          Les étapes à suivre dans l’adoption de l’approche par situation-problème  en histoire sont définies également dans le processus d’enseignement-apprentissage en contexte scolaire.
           Enfin, deux questionnaires ont été prévus : le premier destiné aux enseignants généralistes assurant le cours d’histoire, le second réservé aux élèves suivis par des enseignants plus ou moins initiés à l’approche par situation-problème.
Deux grilles d’observation ont été adoptées : l’une destinée à repérer les pratiques des enseignants initiés à l’approche par situation-problème ; l’autre visant à évaluer le taux d’acquisition des concepts historiques par les élèves.
Enfin, l’interprétation des résultats de recherche obtenus se focalisent davantage sur le pôle enseignant dans son rapport au savoir qui est tributaire d’une formation didactique adéquate en vue de l’initier à l’approche par situation-problème. D’autre part, la densité des programmes d’histoire, embrassant à la fois des dizaines de siècles (destinés à des enfants de 10-12 ans), se traduit par une stratification de connaissances historiques qui n’ont pas d’ailleurs de signification pour cet âge scolaire auquel Piaget lui-même n’est pas favorable.
Cette aberration pédagogique et didactique, dont sont victimes de jeunes élèves, est doublée d’une ignorance par les instituteurs de l’étendue historique de la période couverte par les programmes et le manuel scolaire.
Une conception irrationnelle des cursus destinés à de jeunes élèves, additionnée à des méthodes obsolètes d’enseignement-apprentissage, ne peut conduire qu’à reproduire de jeunes sujets (au lieu de citoyens, visés par les Instructions Officielles) non outillés intellectuellement pour se prémunir des méfaits d’embrigadement idéologique, dans un contexte de mondialisation, d’une culture de consommation, concurrente, qui marginalise et étouffe le système éducatif avec ses référentiels civilisationnels.
Les conséquences d’un tel état de fait sont incalculables sur le rendement (médiocre malheureusement) de l’institution éducative, dont les déperditions atteignent des proportions alarmantes, ainsi que sur les prédispositions intellectuelles (dogmatiques et facilement manipulables) de ceux qui ont fréquenté les bancs scolaires… L’école publique, aux niveaux : primaire, secondaire, voire supérieur, se trouve ainsi, du fait de l’archaïsme de ses moyens d’enseignement/apprentissage, dans une situation de crise la mettant au banc des accusés. En effet, d’aucuns lui reprochent de produire (ou reproduire) désormais (et les statistiques officielles en témoignent), des illettrés pratiquement, des déracinés… au lieu de continuer à servir de moyen d’ascension sociale de citoyens éclairés, comme elle le fut jadis…





Compte-rendu de soutenance de mémoire en didactique de l'histoire


Compte-rendu de soutenance de mémoire en didactique de l'histoire


Date de soutenance : 12/06/2019
Université Virtuelle de Tunis
Institut Supérieur de l’Education et de la Formation Continue
Candidat : Fayek Taher
Sous la direction du professeur :  Mokhtar Ayachi



Titre du mémoire : Les leçons d’histoire dans les programmes d’éducation des adultes : une formation à la citoyenneté.
Nombre de pages : 169
***************
          Il s’agit d’un travail de recherche sur les exclus de la scolarisation, c’est-à-dire sur l’alphabétisation de ceux qui en étaient privés pour une raison ou une autre. L’objectif est de les rendre plus utiles à eux-mêmes  et à leur société, de les réintégrer dans le circuit socio- économique actif.
         Comment se déroule cette opération de repêchage ? Quels cursus  leur sont-ils réservés ? Quel rapport au savoir, du côté apprenants et du côté enseignants ? Enfin, quel profil ont ces derniers, en tant que formateurs d’adultes ?
         Tous les pôles didactiques, ou presque, sont convoqués, à part  celui du milieu socioculturel avec son pesanteur déterminant dans cette opération visant l’intégration des alphabétisés.
          La question cruciale que se pose le candidat dans son travail est de savoir : « comment peut-on améliorer les attitudes, les comportements, voire les pratiques civiques, en vue de participer pleinement à l’évolution économique et sociale du pays » ?   
           La formation des exclus de l’école ne doit pas se limiter, bien sûr, à pallier les insuffisances de la scolarisation publique mais plutôt faire appel à des méthodes d’apprentissage plus adaptées.
           Pour traiter ce thème, le candidat a mobilisé nombre d’outils formant son corpus, à savoir :
-         Les Textes officiels (décrets, circulaires) se rapportant au cursus d’enseignement pour adultes.
-         Les programmes officiels, les manuels destinés aux adultes, les guides méthodologiques, les modèles d’évaluation : examens, projets de formation des formateurs (enseignants et inspecteurs)
-         Des questionnaires destinés aussi bien aux apprenants qu’aux enseignants, mais aussi des visites en classes, des discussions avec les auditeurs ainsi que le produit des journées de formation de formateurs.
          Le candidat se fixe ici la tache d’analyser le hiatus entre les objectifs civiques exprimés dans les cursus et la mise en œuvre en classe d’alphabétisation. Il s’agit de mesurer  les carences entre les objectifs déclarés de formation  à la citoyenneté  et la réalité des cursus, à travers le processus enseignement-apprentissage, des leçons d’histoire  et d’éducation sociale.
           Pour traiter de cette problématique, Taher Fayek a mobilisé un petit « arsenal » de concepts tels que : l’andragogie, les représentations, la motivation, l’éducation civique, les méthodes actives et les méthodes passives, etc…
Ce travail contient trois parties :
-         La première (servant de diagnostic) est réservée à l’étude critique de l’état des lieux de l’enseignement de l’histoire dans les cursus réservés aux adultes, en vue de détecter les carences au niveau de tous les pôles didactiques. 
-         La deuxième partie est réservée aux appréciations des études théoriques traitant des grands axes de la thématique de la question de l’alphabétisation, visitée sous l’angle de l’enseignement des matières sociales, notamment l’histoire, avec les méthodes nouvelles d’apprentissage et leur spécificité pour les publics adultes.  Il s’agit des modes de construction et de fonctionnement du savoir, des modes de sa transmission et d’acquisition ou d’appropriation par l’apprenant adulte.
-         La troisième partie, enfin, s’attèle à la vérification des hypothèses énoncées dans le travail. Il s’agit de l’approche empirique qui jauge l’écart entre les ambitions des programmes et autres textes officiels et la réalité des outils didactiques mis à la disposition des formateurs.
    Cette carence didactique handicaperait la formation à la citoyenneté chez l’adulte. D’ailleurs, considérer les leçons d’histoire comme seul moyen d’éducation à la citoyenneté reste une mesure assez limitée au niveau des attitudes, du comportement et des pratiques civiques des adultes, objet du corpus étudié, en dépit de la motivation et des disponibilités.
           Les carences touchent également la formation des formateurs au double niveau aussi bien des enseignants que des inspecteurs eux-mêmes en plus de l’opacité des finalités dans les programmes officiels de l’éducation des adultes et de la prédominance des méthodes passives d’apprentissage… à l’image des cours dispensés en contexte scolaire.
          Les cours d’alphabétisation, tels qu’ils fonctionnent actuellement, réservent peu de méthodes spécifiques aux besoins et aux attentes du public adulte. Ils reproduisent relativement les mêmes coutumes scolaires d’apprentissage pour enfants ou adolescents.
          Les démarches didactiques de l’enseignement de l’histoire, en contexte d’alphabétisation, sont ainsi caractérisées par des carences multiples empêchant le plein accès des exclus de la scolarisation au savoir civique et au savoir être citoyen…
          Au niveau des résultats de recherche, le candidat confirme que le système d’enseignement transmissif classique ne peut favoriser chez le public adulte un rapport actif aux savoirs. D’ailleurs, les espaces des cours d’alphabétisation ne sont pas, non plus, conçus pour une andragogie moderne qui peut stimuler l’intérêt des apprenants et leur épanouissement.
Cette expérience, entamée à l’échelle nationale depuis quelques années, reproduit les mêmes carences scolaires observées en classes primaires, et du second degré (collèges et lycées) et mériterait des correctifs urgents. Il est de même, d’ailleurs, pour les coutumes scolaires désuètes, au niveau de la formation des formateurs et des pratiques d’enseignement transmissif et dogmatique, qui caractérisent le système scolaire dans son ensemble, en l’absence de pratiques didactiques, pédagogiques et andragogiques actualisées, favorisant une formation à la citoyenneté. Notre système d’éducation produit et reproduit, contrairement aux attentes officielles déclarées, malheureusement, des sujets non pensants, au lieu de contribuer à la formation à la citoyenneté éclairée par un enseignement critique visant le développement de l’intelligence…

dimanche 6 mai 2018

LE MUSÉE NATIONAL DE L’ÉDUCATION À TUNIS

LE MUSÉE NATIONAL DE L’ÉDUCATION À TUNIS:

APPROCHE DIDACTIQUE DU PATRIMOINE ÉDUCATIF

Mokhtar AYACHI, professeur des universités en histoire de l’éducation et en didactique de l’histoire, université de Tunis, membre du Conseil scientifique du Munaé


INTRODUCTION

    Le Musée national de l’Éducation situé à Tunis a été créé par le décret daté du 10 septembre 2001 1, au sein du Centre national d’innovation pédagogique et de recherches en éducation (CNIPRE, l’équivalent de l’INRP français). Son site architectural est conçu dans un espace muséal disposant de commodités (sonori- sation, multimédias, salles d’exposition, etc.) alliant la modernité au patrimoine national. C’est par ailleurs le seul musée en Tunisie qui n’est pas logé dans les murs d’un ancien palais.



    La mise en place des équipements et la collecte des ressources du patrimoine éducatif auprès des écoles publiques ont débuté en 2003, cinq ans avant l’ouver- ture officielle (4 novembre 2008), à l’occasion de la commémoration du cinquantenaire de la création du système éducatif tunisien.

Quant à l’organisation du musée, elle s’est faite autour de trois unités :
- unité muséographique (exposition et entretien des collections) ;
- unité animation culturelle (accueil des visiteurs excursions scolaires, visites guidées, ateliers…) ;
- unité de recherche en histoire de l’éducation (accueil et orientation des chercheurs, expositions documentaires, production de recherches…).

    L’approche muséographique suivie dans ce musée accorde une place primordiale à la didactique du patrimoine éducatif. Nous allons donc nous inté- resser à la légitimité des activités didactiques dans un musée qui se veut une institution culturelle alliée de l’école, et au rapport au temps du patrimoine éducatif. Comment peut-on visiter autrement un musée de l’éducation ?

                       
                                                                                                  Vue de l’espace d’exposition à l’entrée du musée.

Le Musée national de l’éducation de Tunis propose cette alternative.
APPROCHE INNOVANTE DE LA MUSÉOGRAPHIE

    Si la didactique des disciplines s’intéressant à la gestion des savoirs 2 analyse les processus d’enseigne- ment et d’apprentissage en classe, la didactique du patrimoine s’intéresse, elle, au processus de média- tion dans les musées (visites guidées ; expositions ; ateliers d’animation, de jeux  récréatifs,  etc.),  entre la mémoire éducative (matérielle et immatérielle), dont le musée est détenteur, et le visiteur (qu’il soit scolaire ou non) dans l’optique de l’assimiler ou de se l’approprier.
                                                                                                                                                                                                                                                                                               
1Cf. Journal officiel tunisien (JORT).                                                                                                                    2H. Moniot, Didactique de l’Histoire, Paris, Nathan, 1993.

PREMIÈRE RENCONTRE FRANCOPHONE DES MUSÉES DE L’ÉCOLE : ACTES

                    
                                                     Fresque reproduisant les six alphabets méditerranéens que la Tunisie a connus durant son histoire.

     Cette approche implique la conception de situations- problèmes en vue des légitimations scientifiques des savoirs patrimoniaux (matériels et immatériels) à diffuser et à acquérir par les visiteurs. Le rapport au patrimoine éducatif de musées, lieux de mises en scène de contenus historiques, peut être ainsi revisité et renouvelé en permanence.

   Le présent paradigme implique un travail sur le développement des représentations du temps (court, moyen et long ; présent, passé et futur), sur le rapport ou la rencontre des identités et de l’altérité, et sur les valeurs en partage pour donner un sens vivant au patrimoine éducatif.

    Ainsi, une entrée par l’épistémologie (rapport à l’histoire, ses fonctions et finalités, à quoi elle sert, etc.) s’impose pour gérer les savoirs patrimoniaux en muséographie et pour dépasser les représentations figées de l’histoire (longtemps cernée entre dates et événements). Cette approche vise également à cultiver la curiosité scientifique des jeunes chercheurs, en quête de thématiques de recherche.

    Nous pouvons en fournir ici un exemple : à l’entrée de ce musée, aux référentiels spatial, temporel et linguistique en rapport intime avec la Méditerranée 3, se dresse une fresque géante, comme pour inter- peller le visiteur. Elle place l’école tunisienne dans son contexte civilisationnel. Les alphabets, les savoirs et le rôle de l’école, en tant que vecteurs de diffusion des connaissances, y sont largement visibles au moyen de plusieurs supports didactiques. L’approche thématique, génératrice de problématiques, semble se substituer au traditionnel linéaire et aux représentations figées.

Un certain nombre de références épistémologiques au patrimoine éducatif sont perceptibles : il s’agit notam- ment de l’œuvre de Fernand Braudel 4, de l’influence


3               Cf. M. Ayachi, Aux origines de l’école tunisienne. Une synthèse de 32 siècles d’écritures (alphabets), de savoirs et d’enseignement, Tunis, CPU, 2012 (en langue arabe).
4               F. Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, A. Colin, 1949.


MUSÉES DE L’ÉCOLE D’EUROPE ET DU MAGHREB EXPÉRIENCES CROISÉES                                                                                                                                                                            

des idées d’Henri Bergson 5 (opposant l’intériorité de la durée à l’extériorité de l’espace), ou encore de celles de Paul Ricœur 6 sur la continuité et l’intelligibilité du temps. Toutes ces idées ont inspiré cette expérience muséale et traversent aussi bien les institutions tradi- tionnelles du savoir (telles que les Goutté) et les outils de sa diffusion (le Kalam et les planches), que les institutions modernes actuelles d’éducation7 et leurs supports virtuels (tels que le tableau interactif ou le web, qui occupent l’espace des médias au musée).

    Cette approche didactique au Musée de l’Éducation a bénéficié, il est vrai, des enseignements et de recherches en histoire de l’éducation et en didactique de l’histoire que nous menons depuis des années, notamment à l’Institut supérieur de l’éducation et de la formation continue, ainsi qu’à l’École normale supérieure de Tunis.

QUELLE TEMPORALITÉ MUSÉOGRAPHIQUE ?

    Au Musée national de l’éducation à Tunis, le temps n’est ni figé, ni seulement linéaire. Il est reconstruit entre ses deux pôles négatif et positif (de l’avant et l’après J.-C.). La périodisation commence à partir de 1101 av. J.-C. (date de l’apparition de l’alphabet phéni- cien au Comptoir d’Utique, fondé à cette époque non loin de ce que deviendra Carthage). Le visiteur est amené à faire un va-et-vient continu dans une tempo- ralité de longue durée au sein d’un espace didactique interactif. Les contenus exposés forment des repères guidant la mémoire collective dans une quête de réappropriation d’un temps scolaire, le plus souvent intime, voire affectif.

    Visiter ce musée, c’est faire connaissance avec un univers accueillant conçu architecturalement pour une muséographie moderne, agencée dans un espace multifonctionnel à la fois clos et ouvert. Dans ce lieu, les sons du patrimoine musical universel accompagnent le visiteur dans tous les rayons éclairés par la lumière naturelle, et le plongent dans un autre temps : celui du patrimoine éducatif dans son immuabilité baignant dans une aire culturelle méditerranéenne formant une synthèse de civilisations aux six alpha- bets que les 1 400 kilomètres de côtes (tunisiennes) ont connus. Une vraie odyssée des cultures qui a inspiré les réflexions « braudeliennes ».


3                                             H. Bergson, Durée et Simultanéité. À propos de la théorie d’Einstein, Paris, PUF, 1968 (7e édition).
4                                             P. Ricœur, Temps et Récit, T. III : Le Temps raconté, Paris, Éditions du Seuil, 1985.
5                                             Cf. M. Ayachi, Écoles et Société en Tunisie, Tunis, Centre des études économiques et sociales, 2003 ; et Études d’Histoire culturelle. Histoire de l’éducation et mouvements de jeunes en Tunisie, Tunis, Centre des publications universitaires.

                                                                                                                           Reconstitution d’une salle de classe.

    L’animation culturelle, réalisée le plus souvent en ateliers, dans un espace doté de multiples médias, est l’occasion de véritables activités didactiques. Le public, particulièrement scolaire, en est d’autant plus réceptif, et apprivoise ainsi mieux la permanence du temps éducatif, en saisissant ses deux extrémités (le passé devient un temps allié du futur et de ses projets innovants).

    Ce musée permet d’appréhender ou de fréquenter autrement le temps, qu’il soit historique ou présent (voire futur), à travers un mouvement temporel continu chargé d’émotion ; on y acquiert une posture comparative entre jadis et aujourd’hui, ainsi qu’à travers les générations et leurs rapports à l’école et à la vie scolaire. Cette visite dans le temps est balisée de repères constitués de mille et une choses : du bol de lait chaud servi (jadis) à l’ouverture des classes, aux plumiers et encriers, aux cahiers de roulement, aux buvards, à « 1 300 problèmes », aux « leçons de choses », aux manuels de lecture et aux représenta- tions enfantines de gravures.

PREMIÈRE RENCONTRE FRANCOPHONE DES MUSÉES DE L’ÉCOLE ACTES

     En visitant ce musée, on parcourt avec nostalgie des petits reliefs de la mémoire scolaire et on caresse des souvenirs intenses qui ressurgissent à chaque coin des espaces d’exposition. Le musée met par ailleurs
en relief diverses représentations de choses scolaires et des rapports plus ou moins affectifs avec nos anciens maîtres et maîtresses d’école. En un mot, visiter ce musée, c’est ressusciter un temps chargé de valeurs éducatives,  le maître ou la maîtresse adorée se subs-tituait au père ou à la mère. La vénération de l’école, de ses éducateurs ainsi que de son savoir transcende le temps vécu dans sa permanence culturelle.


    Le temps scolaire, à travers ses symboles et repères transcrits des six alphabets que la Tunisie a connus depuis l’époque phénicienne jusqu’aux cursus de l’enseignement traditionnel puis ceux de l’enseigne- ment moderne, trace ainsi, dans son étendue de tolérance et de diversité culturelle, la trajectoire balisant la topographie de la mémoire collective nationale. Ce temps aussi bien scolaire qu’éducatif permet d’en découvrir les reliefs à travers les différents supports didactiques utilisés jadis et exposés soigneusement avec notices explicatives.


                                                                                                           Rayon d’exposition permanente de supports didactiques


CONCLUSION

    Visiter le Musée national de l’Éducation à Tunis, lieu de ressourcement, de nostalgie, mais aussi de rêve, ne constitue pas seulement une occasion d’immer- sion dans les diverses représentations, mais plutôt de contemplation créative, d’inspiration… Cette visite permet aussi, parallèlement aux cours d’his- toire qu’elle complète, de favoriser la sensibilité historienne, voire le développement d’une conscience citoyenne éclairée, à travers la dialectique : passé/ présent/futur, trois moments, trois temps qui se rejoignent en symphonie dans chaque réflexion concernant une causalité ou une perspective.

POUR ALLER PLUS LOIN

  M. Ayachi :
-  Écoles et Société en Tunisie, Tunis, Centre des Études Économiques & Sociales, 2003.
-  Études d’Histoire culturelle. Histoire de l’éducation et mouvements de jeunes en Tunisie, Tunis, Centre des publications universitaires, 2015,
-  Aux origines de l’école tunisienne. Une synthèse de 32 siècles d’écritures (alphabets), de  savoirs  et d’enseignement, Tunis, CPU, 2012 (en langue arabe).
-  (dir.) Circulation des savoirs et institutions d’ensei- gnement dans l’espace arabo-méditerranéen, actes du colloque international, Tunis, publication de la faculté des lettres, des arts et des huma- nités, 2017.
  H. Bergson, Durée et Simultanéité. À propos de la théorie d’Einstein, Paris, PUF, 1968 (7e édition).
  F. Braudel, La Méditerranée et le monde méditerra- néen à l’époque de Philippe II, Paris, A. Colin, 1949.
  F. Durpaire, Enseignement de l’histoire et diversité culturelle : « nos ancêtres ne sont pas les Gaulois », CNDP, 2002.
  H. Moniot, Didactique de l’Histoire, Paris, Nathan, 1993.
  P. Ricœur, Temps et Récit, T. III : Le Temps raconté, Paris, Éditions du Seuil, 1985.
  Noureddine Sraïeb :
-  Colonisation, décolonisation et enseignement. L’exemple tunisien, Tunis, CNRS et Institut national des sciences de l’éducation, 1974.
« L’idéologie de l’école en Tunisie coloniale (1881-1945) », Revue du Monde musulman et de la Méditerranée, Aix-en Provence, n° 1, vol. 68, 1993, p. 239-254.