Compte-rendu de
soutenance de thèse
en Didactique de
l’Histoire
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Nom de la candidate :
Souraya FARJALLAH
Titre de la thèse : La
méthode historique, entre Fondements épistémologiques & Pratiques
didactiques : Processus de l’enseignement-apprentissage aux lycées
tunisiens
Date et lieu :
le 29 juin 2017 à l’Institut Supérieur de l’Education & de la Formation
Continue (ISEFC) – Université Virtuelle de Tunis
Sous la direction du Pr.
Mokhtar AYACHI
Il
s’agit d’une thèse de 430p avec un corpus de plus de 300 titres de références
diverses. Enfin, que d’effort et de peine pour finir cette thèse qui devait
être présentée il y a une année, mais dont j’ai dû reprendre en main
l’encadrement et demander à son auteure une refonte complète, suivant la
méthodologie de la didactique de l’histoire.
Une
rectification du titre était également nécessaire pour réajuster sa
problématique ciblant la méthode historique au double niveau
épistémologique et didactique dans les lycées tunisiens entre 1958 et 2002. Ces
deux dates, correspondant à la première et à la dernière réforme scolaire,
balisent la trajectoire de l’évolution
de notre système éducatif, depuis sa création au lendemain de l’Indépendance.
Trois parties
constituent la trame de ce travail:
- la première
traite de la méthode historique dans les cursus d’histoire de
l’enseignement du second degré en Tunisie entre 1958 et 2002 (état des lieux de
la question),
- la
deuxième est consacrée aux questions théoriques ou à la revue des lectures
épistémologiques et didactiques de la méthode historique,
- enfin, la troisième partie de ce
travail est réservée au paradigme de l’enseignement-apprentissage de la méthode
historique dans les lycées (tunisiens évidemment) en rapport avec la
réforme de 2002. Il s’agit d’un cas empirique servant à l’évaluation des
hypothèses de la recherche énoncées au départ.
Comment a été
mené ce travail à son terme ?
Je reconnais
que la tâche, au niveau de l’encadrement de cette thèse n’a pas été toujours
facile, car ayant hérité d’une orientation de recherche et de choix auxquels
j’ai dû apporter souvent des correctifs. Dans l’ensemble, ce travail est
satisfaisant. Il est le produit de beaucoup d’effort et de persévérance rare,
de la part de la candidate. C’est un pari scientifique difficile qui a été tenu,
car ce n’est pas un thème de recherche à la porté de doctorants. D’ailleurs,
mes collègues, membres du Jury, ne manqueront pas d’apprécier cette longue
réflexion, souvent très pertinente, sur la méthode historique entre
discours épistémologique et empirisme didactique.
L’originalité
du travail, présenté ici, se situe dans l’audace de pouvoir calculer le degré
d’écart entre la théorie et la pratique, concernant la science historique en
situation d’enseignement scolaire. Et c’est ce que va tenter de démontrer la
candidate dans les trois parties de ce travail qu’elle soutient devant nous.
Amoureuse des
théories, Souraya Farjallah va en puiser largement dans les écrits des
épistémologues, voire des philosophes, comme Popper ou Passeron, pour nous
conduire à la nouvelle posture de l’historien qui place sa discipline dans le
sillage du raisonnement scientifique.
En ancrant son
travail dans le champ épistémologique, la candidate essaye de justifier ses
choix de recherche centrés sur le processus d’enseignement-apprentissage de la
démarche historienne. Elle privilégie, pour cela, la question de l’appropriation
de l’esprit critique, par les apprenants, en se basant sur l’approche du traitement
de l’hypothèse dans l’étude de l’homme en société.
Mais, parfois
cela ne va pas sans encourir le risque de frôler des petits
« dérapages » théoriques confondant la didactique et la pédagogie,
guidée par les attentes institutionnelles, et les fondements épistémologiques
de la matière historique. En effet, le fil conducteur du travail doit
s’atteler, comme annoncé au départ de la thèse à défendre, à l’étude de l’écart
entre théorie épistémologique et pratique didactique en histoire,
en situation de classe. Autrement dit, il s’agit de savoir répondre à la
question suivante : que doit-on enseigner, eu égard aux finalités
épistémologiques, et qu’est-ce qu’il est réellement enseigné en classe, conformément
aux attentes didactiques ?
La
maxime de Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se
transforme » ne s’applique pas ici. En effet, depuis l’Ecole
Méthodique et l’organisation de l’institution scolaire en tant que service
public rattaché à l’Etat, l’histoire scolaire est mobilisée, ou sollicitée,
pour légitimer les choix nationaux officiels. Elle s’écarte ainsi, de
l’ « objectivité scientifique » pour servir d’autres finalités
politiques. A cela s’ajoute le poids de la tradition enseignante qui n’est pas
souvent encline à l’innovation en matière de nouvelles postures concernant la
transmission des savoirs.
Au
niveau de mon appréciation de ce travail que j’ai dirigé intensément depuis un
peu plus d’une année, jusqu’à son terme, je préfère ne pas verser dans les
traditionnels discours élogieux (de l’encadrement) en optant pour la démarche
critique constructive ; c’est-à-dire sans faire nécessairement l’avocat de
la candidate qui a suffisamment d’aptitude pour convaincre et se défendre.
Sous
le titre « Problématique » (p. 10 du travail), la candidate se livre
à une critique, sans fondement scientifique, de l’état de l’enseignement à
l’Université tunisienne que je ne peux cautionner, avec des phrases du genre
« pour la plupart des professeurs historiens, il suffit de connaître
l’histoire pour pouvoir l’enseigner », etc … La recherche
académique ne connaît pas de tabous et les études scientifiques dans ce domaine
sont les bienvenues. D’ailleurs, l’un des mes doctorants (travaux en cours)
traite du thème de l’état de la didactique de l’histoire à l’Université
tunisienne.
En
outre, au niveau de l’enseignement de Base et du second degré, il est affirmé à
la page 11 que « les attentes de la société tunisienne obligent
implicitement les enseignants à se défendre et à justifier leur échec. Pour
eux, affirme la candidate, le système éducatif défaillant, les
programmes et les manuels imprécis, les conditions pédagogiques défavorables
sont la cause de cet échec », etc… (p 11 et 12). Elle conclut enfin,
que « l’enseignement-apprentissage de la démarche historique est la
plupart du temps faible (!) dans les lycées tunisiens » et
d’ailleurs, y est-il souligné encore, que cette situation évoquée n’est pas
propre à la Tunisie » !
Tout ce qui est déjà évoqué (sous le titre
« Problématique ») doit avoir, en principe, sa place dans la première
partie du travail réservée à la lecture critique de l’état des lieux de
l’enseignement-apprentissage de l’histoire scolaire au lycée.
Aux
pages 5, 6, 7, 8 et 9, il y a aussi un mélange entre justification du choix
du sujet et revue de lecture concernant l’état de la recherche en
didactique de l’histoire en France, au Canada, en Suisse, au Maroc, en Tunisie.
La candidate aboutit enfin à une affirmation du genre : « notre
mémoire de Mastère soutenu en décembre 2005 était alors le 1er
travail qui a exploré ce genre de recherche à l’ISEFC », non sans en présenter
même un petit résumé; soit 5 pages « du hors sujet », en Introduction,
maintenues telles quelles dans le travail, en dépit des remarques précisant que la Problématique signifie
la Situation-problème, au niveau des modes de construction et de
fonctionnement des savoirs, en rapport avec le sujet choisi. Elle signifie
aussi la définition des concepts utilisés en justifiant leur emploi.
Cela signifie aussi l’état des sources mobilisées, enfin la démarche
ou stratégie suivie dans l’élaboration des différentes étapes du
travail.
En
somme, cela ne peut être aucunement remplacé par une série de questions (en
guise d’hypothèses) qui n’ont pas de sens méthodologique (p 12 et 13). Au niveau
des hypothèses de travail, certaines affirmations, même provisoires, sont
erronées comme celle qui mentionne que durant la décennie 1960-1970, le système
éducatif tunisien vit sa crise ! Or c’est son âge d’or avec le Plan
décennal (1959 / 1969) mis en place à l’époque sous Mahmoud Messâadi…
D’ailleurs,
cela est en totale contradiction avec l’hypothèse-1, où il est précisé
que l’ « enseignement de la méthode historique est conforme aux
normes internationales ». Ensuite, il y a un non sens dans la
formulation de l’hypothèse-3 où il est mentionné que l’ « enseignement
de la méthode historique, durant les années 90, serait en régression »…
Enfin, quelles
sont les résultats auxquels cette recherche a abouti ?
- le premier
résultat concerne la carence observée dans l’enseignement de la pensée
historique en Tunisie dès le début des années 70 (mais là, il n’y a pas
encore de réforme après celle de 1958),
- le deuxième
résultat annonce qu’au lendemain de l’Indépendance, avec la création du
système éducatif national, l’histoire scolaire était conforme aux apports de
l’épistémologie les plus récents, et ceci jusqu’en 1993. Et là encore une
contradiction avec le premier résultat qui situe la carence au début des années
70.
- le troisième
résultat spécifie enfin que « de 1991 et jusqu’en 2005, l’histoire
scolaire n’a pas accédé à l’histoire-problème et ce n’est qu’en 2006 que
l’école tunisienne a introduit ce type d’enseignement ».
Je suppose
qu’il y a ici quelques confusions de dates entre 1993 et 1991, entre 2005 et
2006 et notamment avec 2007 clôturant le Plan Quinquennal du projet de l’Ecole
de Demain « 2002-2007 », entre dates relatives aux textes des
réformes et dates relatives aux programmes scolaires.
En général,
les carences observées sont imputées à l’insuffisance de formation des
enseignants en épistémologie et en didactique pour pouvoir accéder à la
dimension scientifique de la matière historique, en assurer la médiation et
vaincre la lourdeur « écrasante » des programmes.
D’ailleurs, en l’absence d’une ouverture sur
l’enseignement de ces deux disciplines évoquées, la méthode historique
reste un discours scientifique savant et un référentiel pour les chercheurs
avides d’innovation dans ce champ de la connaissance.
Enfin, la
candidate Souraya Farjallah a-t-elle réussi son pari de légitimation de
l’épistémologie et de la didactique auprès de la communauté des historiens, à
travers ce paradigme de la méthode historique qu’elle s’est attelée
à étudier ? J’en suis bien persuadé.
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