vendredi 30 juin 2017

Compte-rendu de soutenance de thèse en Didactique de l’Histoire sur "la Méthode historique"




Compte-rendu de soutenance de thèse

en Didactique de l’Histoire

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Nom de la candidate : Souraya FARJALLAH

Titre de la thèse : La méthode historique, entre Fondements épistémologiques & Pratiques didactiques : Processus de l’enseignement-apprentissage aux lycées tunisiens

Date et lieu : le 29 juin 2017 à l’Institut Supérieur de l’Education & de la Formation Continue (ISEFC) – Université Virtuelle de Tunis

Sous la direction du Pr. Mokhtar AYACHI




            Il s’agit d’une thèse de 430p avec un corpus de plus de 300 titres de références diverses. Enfin, que d’effort et de peine pour finir cette thèse qui devait être présentée il y a une année, mais dont j’ai dû reprendre en main l’encadrement et demander à son auteure une refonte complète, suivant la méthodologie de la didactique de l’histoire.


Une rectification du titre était également nécessaire pour réajuster sa problématique ciblant la méthode historique au double niveau épistémologique et didactique dans les lycées tunisiens entre 1958 et 2002. Ces deux dates, correspondant à la première et à la dernière réforme scolaire, balisent la trajectoire  de l’évolution de notre système éducatif, depuis sa création au lendemain de l’Indépendance.


Trois parties constituent la trame de ce travail:

- la première traite de la méthode historique dans les cursus d’histoire de l’enseignement du second degré en Tunisie entre 1958 et 2002 (état des lieux de la question),

- la deuxième est consacrée aux questions théoriques ou à la revue des lectures épistémologiques et didactiques de la méthode historique,

-  enfin, la troisième partie de ce travail est réservée au paradigme de l’enseignement-apprentissage de la méthode historique dans les lycées (tunisiens évidemment) en rapport avec la réforme de 2002. Il s’agit d’un cas empirique servant à l’évaluation des hypothèses de la recherche énoncées au départ.

Comment a été mené ce travail à son terme ?


Je reconnais que la tâche, au niveau de l’encadrement de cette thèse n’a pas été toujours facile, car ayant hérité d’une orientation de recherche et de choix auxquels j’ai dû apporter souvent des correctifs. Dans l’ensemble, ce travail est satisfaisant. Il est le produit de beaucoup d’effort et de persévérance rare, de la part de la candidate. C’est un pari scientifique difficile qui a été tenu, car ce n’est pas un thème de recherche à la porté de doctorants. D’ailleurs, mes collègues, membres du Jury, ne manqueront pas d’apprécier cette longue réflexion, souvent très pertinente, sur la méthode historique entre discours épistémologique et empirisme didactique.


L’originalité du travail, présenté ici, se situe dans l’audace de pouvoir calculer le degré d’écart entre la théorie et la pratique, concernant la science historique en situation d’enseignement scolaire. Et c’est ce que va tenter de démontrer la candidate dans les trois parties de ce travail qu’elle soutient devant nous.


Amoureuse des théories, Souraya Farjallah va en puiser largement dans les écrits des épistémologues, voire des philosophes, comme Popper ou Passeron, pour nous conduire à la nouvelle posture de l’historien qui place sa discipline dans le sillage du raisonnement scientifique.


En ancrant son travail dans le champ épistémologique, la candidate essaye de justifier ses choix de recherche centrés sur le processus d’enseignement-apprentissage de la démarche historienne. Elle privilégie, pour cela, la question de l’appropriation de l’esprit critique, par les apprenants, en se basant sur l’approche du traitement de l’hypothèse dans l’étude de l’homme en société.


Mais, parfois cela ne va pas sans encourir le risque de frôler des petits « dérapages » théoriques confondant la didactique et la pédagogie, guidée par les attentes institutionnelles, et les fondements épistémologiques de la matière historique. En effet, le fil conducteur du travail doit s’atteler, comme annoncé au départ de la thèse à défendre, à l’étude de l’écart entre théorie épistémologique et pratique didactique en histoire, en situation de classe. Autrement dit, il s’agit de savoir répondre à la question suivante : que doit-on enseigner, eu égard aux finalités épistémologiques, et qu’est-ce qu’il est réellement enseigné en classe, conformément aux attentes didactiques ?


            La maxime de Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » ne s’applique pas ici. En effet, depuis l’Ecole Méthodique et l’organisation de l’institution scolaire en tant que service public rattaché à l’Etat, l’histoire scolaire est mobilisée, ou sollicitée, pour légitimer les choix nationaux officiels. Elle s’écarte ainsi, de l’ « objectivité scientifique » pour servir d’autres finalités politiques. A cela s’ajoute le poids de la tradition enseignante qui n’est pas souvent encline à l’innovation en matière de nouvelles postures concernant la transmission des savoirs.


            Au niveau de mon appréciation de ce travail que j’ai dirigé intensément depuis un peu plus d’une année, jusqu’à son terme, je préfère ne pas verser dans les traditionnels discours élogieux (de l’encadrement) en optant pour la démarche critique constructive ; c’est-à-dire sans faire nécessairement l’avocat de la candidate qui a suffisamment d’aptitude pour convaincre et se défendre.


            Sous le titre « Problématique » (p. 10 du travail), la candidate se livre à une critique, sans fondement scientifique, de l’état de l’enseignement à l’Université tunisienne que je ne peux cautionner, avec des phrases du genre « pour la plupart des professeurs historiens, il suffit de connaître l’histoire pour pouvoir l’enseigner », etc … La recherche académique ne connaît pas de tabous et les études scientifiques dans ce domaine sont les bienvenues. D’ailleurs, l’un des mes doctorants (travaux en cours) traite du thème de l’état de la didactique de l’histoire à l’Université tunisienne.


            En outre, au niveau de l’enseignement de Base et du second degré, il est affirmé à la page 11 que «  les attentes de la société tunisienne obligent implicitement les enseignants à se défendre et à justifier leur échec. Pour eux, affirme la candidate, le système éducatif défaillant, les programmes et les manuels imprécis, les conditions pédagogiques défavorables sont la cause de cet échec », etc… (p 11 et 12). Elle conclut enfin, que « l’enseignement-apprentissage de la démarche historique est la plupart du temps faible (!) dans les lycées tunisiens » et d’ailleurs, y est-il souligné encore, que cette situation évoquée n’est pas propre à la Tunisie » !


            Tout ce qui est déjà évoqué (sous le titre « Problématique ») doit avoir, en principe, sa place dans la première partie du travail réservée à la lecture critique de l’état des lieux de l’enseignement-apprentissage de l’histoire scolaire au lycée.


            Aux pages 5, 6, 7, 8 et 9, il y a aussi un mélange entre justification du choix du sujet et revue de lecture concernant l’état de la recherche en didactique de l’histoire en France, au Canada, en Suisse, au Maroc, en Tunisie. La candidate aboutit enfin à une affirmation du genre : « notre mémoire de Mastère soutenu en décembre 2005 était alors le 1er travail qui a exploré ce genre de recherche à l’ISEFC », non sans en présenter même un petit résumé; soit 5 pages « du hors sujet », en Introduction, maintenues telles quelles dans le travail, en dépit des remarques  précisant que la Problématique signifie la Situation-problème, au niveau des modes de construction et de fonctionnement des savoirs, en rapport avec le sujet choisi. Elle signifie aussi la définition des concepts utilisés en justifiant leur emploi. Cela signifie aussi l’état des sources mobilisées, enfin la démarche ou stratégie suivie dans l’élaboration des différentes étapes du travail.


            En somme, cela ne peut être aucunement remplacé par une série de questions (en guise d’hypothèses) qui n’ont pas de sens méthodologique (p 12 et 13). Au niveau des hypothèses de travail, certaines affirmations, même provisoires, sont erronées comme celle qui mentionne que durant la décennie 1960-1970, le système éducatif tunisien vit sa crise ! Or c’est son âge d’or avec le Plan décennal (1959 / 1969) mis en place à l’époque sous Mahmoud Messâadi…


D’ailleurs, cela est en totale contradiction avec l’hypothèse-1, où il est précisé que l’ « enseignement de la méthode historique est conforme aux normes internationales ». Ensuite, il y a un non sens dans la formulation de l’hypothèse-3 où il est mentionné que l’ « enseignement de la méthode historique, durant les années 90, serait en régression »… 


Enfin, quelles sont les résultats auxquels cette recherche a abouti ?


- le premier résultat concerne la carence observée dans l’enseignement de la pensée historique en Tunisie dès le début des années 70 (mais là, il n’y a pas encore de réforme après celle de 1958),

- le deuxième résultat annonce qu’au lendemain de l’Indépendance, avec la création du système éducatif national, l’histoire scolaire était conforme aux apports de l’épistémologie les plus récents, et ceci jusqu’en 1993. Et là encore une contradiction avec le premier résultat qui situe la carence au début des années 70.

- le troisième résultat spécifie enfin que « de 1991 et jusqu’en 2005, l’histoire scolaire n’a pas accédé à l’histoire-problème et ce n’est qu’en 2006 que l’école tunisienne a introduit ce type d’enseignement ».


Je suppose qu’il y a ici quelques confusions de dates entre 1993 et 1991, entre 2005 et 2006 et notamment avec 2007 clôturant le Plan Quinquennal du projet de l’Ecole de Demain « 2002-2007 », entre dates relatives aux textes des réformes et dates relatives aux programmes scolaires.


En général, les carences observées sont imputées à l’insuffisance de formation des enseignants en épistémologie et en didactique pour pouvoir accéder à la dimension scientifique de la matière historique, en assurer la médiation et vaincre la lourdeur « écrasante » des programmes.

 D’ailleurs, en l’absence d’une ouverture sur l’enseignement de ces deux disciplines évoquées, la méthode historique reste un discours scientifique savant et un référentiel pour les chercheurs avides d’innovation dans ce champ de la connaissance.


Enfin, la candidate Souraya Farjallah a-t-elle réussi son pari de légitimation de l’épistémologie et de la didactique auprès de la communauté des historiens, à travers ce paradigme de la méthode historique qu’elle s’est attelée à étudier ? J’en suis bien persuadé.




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