Yannick
Mével - Nicole Tutiaux-Guillon
Didactique
et enseignement
de
l’histoire-géographie
au
collège et au lycée
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Cet ouvrage a fait l’objet d’une première
publication aux Éditions Publibook en 2013
« La maman gorille ne peut pas simplifier
la jungle à son bébé gorille, elle ne peut que lui apprendre à s’y débrouiller.
»
Nicole Riche, professeur, propos tenu en
cours d’EAO,
Université de Paris 7, 1985
Introduction
Enseigner l’histoire et la géographie n’a pas grand-chose à voir
avec l’éducation des gorilles. Former des enseignants d’histoire-géographie non
plus. La métaphore placée en exergue de ce livre vise tout au plus à ouvrir le propos
sur un sourire. Et, au-delà de ses limites, elle suggère trois idées qui ont
guidé notre réflexion. Nul ne peut apprendre à la place d’autrui, ce sont les
élèves qui doivent faire le travail. Le monde, les sociétés humaines, objets de
nos disciplines, ne peuvent se réduire à des idées simples, à des idées courtes
: comprendre le monde, c’est en appréhender la complexité. Les questions d’enseignement
traitées dans ce livre ne peuvent trouver des solutions toutes faites, mais les
pistes de réflexion et les exemples pratiques ambitionnent d’aider les
enseignants à se « débrouiller ».
Nous
ne proposons donc pas ici une méthode clé en main pour réussir l’enseignement
de l’histoire-géographie dans l’enseignement secondaire. Il ne s’agit pas non
plus d’une réflexion sur ce qu’il faudrait faire dans un système scolaire
idéal, dans des classes idéales. Il s’agit plutôt d’une proposition de pistes
de travail pour résoudre des problèmes ouverts tels qu’ils se posent lorsqu’on
enseigne nos disciplines.
Chacun des neuf chapitres qui suivent aborde un problème
professionnel que rencontrent les professeurs d’histoire-géographie dans la
préparation et la mise en œuvre de leurs cours de la 6e à la Tale. L’ensemble se situe dans le cadre des programmes français.
Mais nombre de problèmes se rencontrent ailleurs, notamment dans l’espace
francophone dès lors qu’il s’agit d’enseigner ces disciplines.
Une première série de problèmes est posée par les contenus :
dans la trame infinie des savoirs sur le monde, sur les sociétés humaines, sur
leurs espaces, sur leurs passés, lesquels doivent être acquis par les élèves ?
Comment choisir ? Comment articuler ces savoirs avec ces idées souvent fortement
présentes chez les élèves et que nous nommons « représentations sociales » ?
Que faire des objets de savoir sensibles qui font controverse dans les savoirs
savants ou experts ou plus encore dans la société ?
Une seconde série de problèmes se pose dès lors que nous
considérons que savoir de l’histoire-géographie n’est pas apprendre le monde
mais plutôt apprendre à penser le monde. Comment problématiser les savoirs ?
Comment apprendre à raisonner en histoire-géographie ? Est-ce de cela qu’il s’agit
dans la formulation des finalités, des compétences ou des capacités désormais
prescrites ?
Une troisième série de problèmes se pose dès lors que nous
considérons que de l’histoire-géographie passe par la mise au travail des
élèves. Est-ce de cela qu’il s’agit lorsqu’on parle de faire accéder les élèves
à l’autonomie ? Comment les faire écrire ? Quelles tâches, quelles consignes, quel
questionnement, quel dialogue mettre en oeuvre ?
Le lecteur comprendra vite que la succession des neuf chapitres
répond à une nécessité imposée par la structure linéaire d’un livre. Dans la
réalité du travail des enseignants ces problèmes ne surgissent ni de façon
dissociée ni à la suite l’un de l’autre. Ils sont imbriqués dans la complexité
des situations d’enseignement et d’apprentissage. C’est pourquoi les questions
traitées dialoguent entre elles, la réflexion est systémique. Nos propositions,
nos réponses, font elles aussi système et même participent d’une théorie.
Les neuf problèmes que nous avons choisis ne couvrent pas, loin
s’en faut, la totalité des questions que se posent les enseignants d’histoiregéographie.
Nous les avons choisis parce qu’ils ont quelques caractéristiques communes. Ce
sont des problèmes d’enseignant : problèmes de choix de pratique, de contenu,
de gestes professionnels, de sens du métier. Si nous nous intéressons aux
problèmes des élèves, par exemple au fait qu’ils éprouvent des difficultés à
problématiser, nous les envisageons sous l’angle des problèmes de l’enseignant
: ici sous l’angle de la difficulté (réelle et fréquente) à engager les élèves
dans la problématisation. Adopter une telle posture suppose que nous renoncions
à chercher l’explication dans une culpabilisation des élèves (trop bornés ou
trop aliénés) ou des enseignants (incapables ou mal formés). Nous y voyons
plutôt des défis à partager.
Il s’agit de problèmes qui se posent à tous les niveaux de la
scolarité secondaire et quels que soient les élèves (qu’ils réussissent
facilement ou non, qu’ils soient ou non en connivence avec la culture
scolaire), mais aussi quelle que soit la pratique dominante des enseignants.
Ils se posent à ceux qui préfèrent mettre au travail les élèves à travers le
cours dialogué, comme à ceux qui préfèrent les mettre au travail à travers des
tâches (travail sur documents, préparation d’exposés, situations problèmes,
etc.) et à ceux qui préfèrent mettre au travail les élèves à travers le cours
magistral. Ce dernier est, à nos yeux, une forme de mise en activité au même
titre que les autres : suivre un cours magistral avec efficacité c’est tout
sauf être intellectuellement passif ! Ces problèmes se posent à ceux, de loin
les plus nombreux, qui préfèrent varier les formes de mise au travail des élèves
en jouant de toute la palette des situations d’apprentissage. Enfin ces
problèmes ont en commun d’avoir fait l’objet de travaux de recherche en
didactique sur lesquels nous appuyons notre réflexion et nos propositions.
Celles-ci
reposent en effet sur un double ancrage, dans la recherche et dans la pratique
de classe, et sur une convergence dans la formation des enseignants d’histoire-géographie
dans laquelle nous sommes engagés tous deux depuis des années.
Nous
ne soulignerons jamais assez la contribution de nos étudiants et stagiaires à
la genèse de ce livre : leurs questions, leurs objections, leurs essais, nos
erreurs et nos réussites conjointes alimentent chaque proposition que nous
faisons au fil des chapitres qui suivent. Dans leurs classes comme dans les
nôtres, l’interaction avec les élèves a servi de sérum de vérité aux idées qui
sont exposées ici : non pour déboucher sur des recettes infaillibles mais pour
suggérer des possibles. Cet ancrage dans des pratiques de classe implique qu’il
ne sera jamais question ici d’un élève idéal, de l’élève considéré, abstraitement,
comme un être épistémique, générique ou représentatif voire moyen, jusqu’à ne
correspondre à aucun élève réel. Les élèves, ce sont ceux avec qui chacun
travaille au quotidien, ni tous bons élèves ni tous cancres, pour autant que
ces catégories aient un sens. Ce n’est pas parce nous faisons un pari sur leur
intelligence que nous ne connaissons pas les élèves et que nous supposons que
cette intelligence est là a
priori. L’intelligence, le savoirse construisent,
et c’est tout l’enjeu de notre enseignement. Voici posées deux conceptions qui
guident nos réflexions : le postulat d’éducabilité et la théorie
constructiviste, ou socioconstructiviste. Le postulat d’éducabilité est défini
par Meirieu comme le « postulat fondateur de toute activité éducative qui
interdit d’attribuer une difficulté ou un échec d’un sujet à son "absence
de dons" »1. Le
constructivisme pose que le savoir ne se transmet pas d’un esprit à un autre
comme on remplit un vase ou comme on marque un buvard, mais que l’acquérir
suppose une activité intellectuelle volontaire et souvent coûteuse pour celui
qui apprend. Adjoindre le préfixe « socio » signifie que cette activité
intellectuelle s’exerce toujours dans l’interaction avec un enseignant, avec
des pairs, parfois indirectement par des supports (livre, site Web, musée,
derrière lesquels il y a d’autres esprits humains). Cela signifie, nous aurons
l’occasion d’y revenir souvent, que le constructivisme ne se réduit pas à une
pédagogie active, et qu’il ne conduit pas l’enseignant à s’effacer derrière l’animateur.
Le constructivisme est un parti pris théorique sur lequel peuvent s’appuyer des
pédagogies directives!
Le second ancrage de nos réflexions et propositions est celui de
la recherche en didactique. Celle-ci, dans ce livre, n’est pas un point de
départ : elle ne préside pas au choix des problèmes, elle ne dicte pas aux
enseignants des résultats qu’ils n’auraient qu’à appliquer pour réussir. Ce n’est
pas non plus un point d’arrivée : ce livre n’apporte aucun savoir nouveau qui
enrichirait la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage de l’histoiregéographie.
Nous donnons ici aux savoirs issus de la recherche un statut de ressource
professionnelle, convoquée lorsqu’il en est besoin : ressource pour penser,
ressource pour faire des choix raisonnés dans l’action, ressource pour inventer
ses pratiques. Les chercheurs en didactique appuient leurs travaux sur des
observations du travail des élèves et des enseignants, sur des questionnaires,
des entretiens : le savoir qu’ils produisent est, scientifiquement parlant,
toujours empirique. Cependant les questions qu’ils se posent ne sont pas les
questions des praticiens. Partons, pour illustrer cette différence d’une
assertion d’élève : « Staline c’est comme Louis XIV, un monarque absolu ». L’enseignant
se demande : vais-je autoriser cet élève à prolonger sa réflexion en s’appuyant
sur cette première compréhension du pouvoir personnel, ou vais-je lui suggérer
de la remettre en cause en s’appuyant sur les différences de contexte, de mode
d’accession au pouvoir, de pratique du pouvoir ? Et il doit répondre très vite,
dans le fil du cours en train de se faire. Le chercheur se demande : quel type
de raisonnement cet élève met-il en œuvre pour parvenir à cette affirmation ?
Cette assertion
Résulte-t-elle
d’une représentation sociale du concept de « monarchie absolue» ? Et il dispose
de temps, peut recourir à des méthodes d’enquête, des comparaisons, pour
apporter une réponse. Lorsque l’un et l’autre engagent le dialogue, l’enseignant
demande : en quoi le fait de savoir qu’il s’agit d’un usage d’une
représentation sociale me permet-il de choisir comment j’oriente la réflexion
de cet élève ? Le chercheur interroge : quels sont les effets de la prise en
compte des représentations sociales des élèves par l’enseignant ? Nous
affirmons que ce dialogue est fécond. Et particulièrement pour les enseignants,
auxquels est destiné ce livre. À quoi leur servent les savoirs produits par la
recherche en didactique ? Selon notre expérience de formateurs, à penser les
choix au quotidien de la pratique. C’est pourquoi des travaux que nous jugerions
incontournables s’il s’agissait de faire l’état de la recherche en didactique
de l’histoire-géographie, sont parfois beaucoup moins utilisés que d’autres,
moins fondamentaux du point de vue de la recherche, qui abordent ou contribuent
à éclairer les neuf problèmes que nous avons sélectionnés. C’est pourquoi aussi
il nous arrive d’aller puiser quelques résultats dans d’autres didactiques.
Ce livre ne répond pas à la question « comment enseigner ? »
mais plutôt à la question « comment choisir comment enseigner ? ». Nous y
défendons une conception créative du métier d’enseignant qui recoupe largement
ce que Schön nomme « praticien réflexif »1. Cette conception est exigeante puisqu’elle fait le pari de l’intelligence
critique des enseignants, de l’autonomie, de la réflexion étayée plutôt que
ceux de la soumission à la prescription et du don spontané. Les conseils que
nous donnons sont là pour alimenter la délibération plutôt que pour indiquer la
marche à suivre. Nous prenons cependant au sérieux les textes officiels
(programmes, socle commun des connaissances et des compétences, Vade-mecum)2, et invitons parfois à les prendre au mot.
Cette exigence-là ne rend pas les choses plus confortables. Elle
engage à se poser des questions, à interroger certains automatismes, certaines
routines, certaines fausses évidences du métier d’enseignant d’histoiregéographie
et souvent même, elle laisse un doute. Si ce n’est pas toujours plus agréable,
cela rend incontestablement plus lucide et plus libre. Penser son métier comme
un métier de création aide à construire l’enseignement à l’intersection
complexe entre les programmes, les savoirs de référence, les finalités et la
connaissance des élèves : autant de contraintes qu’il nous faut analyser et
articuler pour construire le cours d’histoire ou de géographie. Les recherches
en didactique fournissent des grilles de lecture de ces contraintes et des
schèmes d’action diversifiés.
Chaque problème est abordé par quelques pages où nous en
définissons les termes : « savoir », « connaissance », « représentation sociale
», « compétence», « autonomie », et même « raisonner », « lire », « écrire »
(etc.), que faut-il entendre par là ? Décrypter cet argot professionnel, en
discuter les différents usages, est une première façon de ne pas s’en rendre
prisonnier, d’échapper à des usages imposés souvent au prix du sens. C’est une façon
d’en retrouver la richesse pour rendre compte de la complexité du réel. Certes
on peut y voir un jargon : tout métier a besoin de mots techniques, tout
artisanat génère un vocabulaire riche et spécialisé pour nommer ses outils
particuliers. Ce vocabulaire est l’orgueil de ces métiers. L’herminette, le
rabot à feuillure, la plane du charron, le trusquin, le wastringue ou la dent d’âne
ne font pas seulement le plaisir de la langue des menuisiers, ils servent aussi
à désigner efficacement et rapidement le bon outil pour la bonne fonction. Bien
sûr nous n’en avons sans doute pas d’aussi poétiques (à nos oreilles), mais nos
concepts professionnels servent aussi à désigner efficacement nos outils, nos
gestes professionnels et peuvent constituer la fierté de notre artisanat, comme
c’est le cas outre-frontières
(Astolfi,
1992). Ces éclaircissements lexicaux sont aussi l’occasion de présenter les
débats, parfois les controverses, qui traversent le métier et nous en profitons
pour y exposer et argumenter nos positions.
Le problème professionnel est abordé sous l’angle des usages de
classe possibles : c’est là que nous mobilisons toute l’inventivité issue de
nos expériences, de nos lectures et de nos rencontres. Le chapitre est suivi systématiquement
d’une « balise » qui, sur l’une des questions relatives au problème
professionnel traité dans le chapitre, propose un gros plan sur des exercices,
des informations complémentaires sur un point précis, ou des pistes de
réflexion pratique. Ces balises marquent la voie, mettent en garde, indiquent
des étapes. Les chapitres articulent ainsi constamment des références théoriques
et des pratiques d’enseignement sans que pour autant les secondes découlent
directement des premières. Le problème professionnel traverse l’ensemble : les
pages centrées davantage sur les pratiques contribuent autant à y répondre que
les pages davantage théoriques, et d’ailleurs elles ne se succèdent pas
strictement.
Nous avons choisi d’illustrer chacun des problèmes par des
thèmes d’enseignement, qui sont filés sur la totalité du chapitre, l’un en
histoire, l’autre en géographie. Aussi systématiquement que possible les
exemples relèvent de ces thèmes. Ainsi les exemples du premier chapitre
renvoient à des situations d’apprentissage du fait religieux en histoire et de
la mondialisation en géographie. Nous avons choisi des thèmes dont l’enseignement
pose souvent davantage question et qui supposent, là encore, des choix auxquels
nos propositions veulent contribuer. Nous avons retenu, aussi souvent que
possible, des thèmes sur lesquels ont porté des travaux de chercheurs en didactique
afin que le tissage entre ces travaux et les propositions pratiques soit plus
dense ; mais sans nous interdire de les démarquer ou de proposer autre chose.
Chacun ajoutera ses propres exemples, adaptera ceux-là à ses besoins.
Les
problèmes que nous avons choisi de traiter dans cet ouvrage se posent à tous
les niveaux de l’enseignement secondaire : soit ils sont constitutifs de nos
disciplines, soit ils correspondent à des prescriptions actuelles. Nous ne
distinguons donc pas collège et lycée : à leur niveau, même les élèves de 6e peuvent être confrontés aux situations
complexes et amorcer des apprentissages exigeants. Il en va ainsi, par exemple,
de la problématisation: elle ne peut être la même en 6e et en 3e, en 2de et en
Terminale, mais organiser les savoirs autour d’une question structurante, cela
s’engage à tous les niveaux. De telles démarches signifient-elles que nous
prétendons faire des élèves de petits historiens, de petits géographes voire de
petits épistémologues? Certainement pas. Il y a entre le métier de chercheur et
le métier d’élève une différence essentielle qui tient à leurs finalités. Si le
chercheur doit faire grandir le savoir et le mettre au service de la société, l’élève
a pour objectif de grandir lui-même, de faire grandir son propre savoir pour
participer à la société. Nous revendiquons la fonction de formation citoyenne
de nos disciplines, la fonction sociale de l’histoire et de la géographie
scolaires, celle qui justifie que tous les élèves y consacrent un nombre d’heures
élevé au cours de leur scolarité et que la collectivité nous emploie. Cette
fonctionsociale passe par des savoirs partagés qui fondent une identité
collective et autorisent le débat public et par des savoirs critiques, qui
permettent de mettre à distance jusqu’à cette identité collective afin qu’elle
ne soit pas exclusive et excluante. Cette fonction sociale passe aussi, dès
1902, par l’ambition de rendre les élèves plus intelligents, et de ce fait
moins susceptibles de se laisser duper politiquement et plus utiles aux autres.
1. Enseigner, apprendre : savoirs et
connaissances
« Ah ! Si, au moins, ils avaient un peu de connaissances ! »
« Sans connaissances, comment voulez-vous qu’ils puissent
comprendre le document ? »
De tels constats s’entendent fréquemment dans les réunions de
correction du brevet des collèges ou du baccalauréat. Le terme « connaissances
» y désigne indifféremment « ce que l’on sait pour l’avoir appris » ou « la
manière de connaître » (Le Robert, 1997) mais la plupart du temps signifie contenus
factuels et notionnels (c’est d’ailleurs aussi le sens dans le Socle
Commun des Connaissances et des Compétences, infra socle commun), par distinction d’avec des méthodes
(savoir-faire), plus rarement d’avec des attitudes ou des savoir-être. Des
didacticiens, en prenant appui sur l’épistémologie, y ajoutent les concepts et
les raisonnements structurant la discipline. Le mot reste quelque peu
attrape-tout, ce qui n’aide guère la réflexion professionnelle.
Ce
chapitre propose d’explorer la notion du point de vue de son usage didactique:
qu’est-ce qu’une connaissance en histoire et en géographie ? À quoi cela
sert-il ? Comment choisir dans l’étendue des savoirs, ceux qui doivent être
enseignés et appris ?
Nous partons de quelques précisions lexicales : savoirs,
connaissances, concepts, apprendre, comprendre. Autant de termes pour lesquels,
nous affichons nos choix de significations et de reformulations, nos
définitions. Ces choix reposent avant tout sur les acceptions formalisées par
les recherches en didactique. Mais celles-ci sont également diverses. Choisir
dans cette diversité c’est affirmer les valeurs qui nous portent, nos
conceptions de l’enseignement, de l’histoire, de la géographie, et notre
compréhension de ce qu’est apprendre dans nos disciplines.
Deux questionnements traversent ce chapitre :
La
question des « fondamentaux » : peut-on identifier dans nos disciplines des
éléments dont l’acquisition constituerait les bases initiales sur lesquelles,
ensuite, se construiraient des savoirs ? Ou bien faut-il considérer dès l’abord
que toute connaissance dans nos disciplines n’existe que dans le réseau des
concepts, des interprétations, des faits… qui lui donne sens ?
La question de la « transposition didactique » : quelle
différence peut-on faire dans nos disciplines entre savoirs scolaires et
savoirs savants ? Quelles relations unissent ces deux types de savoir ? L’emploi
de l’expression« transposition didactique » est utile pour désigner autre chose
que l’idée selon laquelle la relation entre les savoirs savants et les savoirs
scolaires serait celle d’une application des premiers aux seconds selon une
adaptation homothétique ou une simplification.
Pour illustrer ces définitions et répondre à ces problématiques
nous mobilisons des exemples, pour la plupart relevant de deux thèmes empruntés
aux programmes de collège et lycée : celui du fait religieux en histoire et
celui de la mondialisation en géographie. En France, les manuels sont des
outils indispensables de l’enseignant et des élèves. Même si tous ne reposent
pas sur les principes que nous défendons, il est possible d’en faire usage ! La
balise 1, à la suite du chapitre, suggère quelques exercices pour conduire les
élèves à infléchir leur rapport au savoir.
1.
Savoirs et connaissances : de quoi s’agit-il ?
Nous
appelons « savoirs » ce qui est encore extérieur à celui qui apprend et «
connaissances » ce qui est mémorisé sur le long terme, mis en relation avec les
acquis antérieurs, doté d’un sens pour celui qui a appris, bref, intériorisé.
Ce
que présentent les manuels et les cours, ce sont des savoirs ; ce que l’élève
assimile, ce sont des connaissances. L’un n’est pas équivalent à l’autre. Les
connaissances, c’est ce qui permet d’avoir des solutions aux problèmes qu’on
rencontre, d’agir dans des situations : l’opposition connaissances- compétences
est une fausse opposition (chapitre 6). Et les connaissances ne sont dotées de
sens que si elles ont une efficacité, une pertinence, en classe et ailleurs.
Elles doivent permettre à l’élève de comprendre et de résoudre les problèmes
auxquels il est confronté.
Exemples
:
Connaître
les conditions de l’écriture de la Bible et l’hétérogénéité du texte permet de
répondre aux problèmes posés par les dissonances entre archéologie et texte et
de la considérer comme un document historique et non un texte sacré (que le
dogme dit « Inspiré par l’Esprit saint »).
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