mercredi 23 novembre 2016

Didactique et enseignement de l’histoire-géographie au collège et au lycée

Yannick Mével - Nicole Tutiaux-Guillon
Didactique et enseignement
de l’histoire-géographie
au collège et au lycée

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Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2013

« La maman gorille ne peut pas simplifier la jungle à son bébé gorille, elle ne peut que lui apprendre à s’y débrouiller. »
Nicole Riche, professeur, propos tenu en cours d’EAO,
Université de Paris 7, 1985


Introduction
Enseigner l’histoire et la géographie n’a pas grand-chose à voir avec l’éducation des gorilles. Former des enseignants d’histoire-géographie non plus. La métaphore placée en exergue de ce livre vise tout au plus à ouvrir le propos sur un sourire. Et, au-delà de ses limites, elle suggère trois idées qui ont guidé notre réflexion. Nul ne peut apprendre à la place d’autrui, ce sont les élèves qui doivent faire le travail. Le monde, les sociétés humaines, objets de nos disciplines, ne peuvent se réduire à des idées simples, à des idées courtes : comprendre le monde, c’est en appréhender la complexité. Les questions d’enseignement traitées dans ce livre ne peuvent trouver des solutions toutes faites, mais les pistes de réflexion et les exemples pratiques ambitionnent d’aider les enseignants à se « débrouiller ».

Nous ne proposons donc pas ici une méthode clé en main pour réussir l’enseignement de l’histoire-géographie dans l’enseignement secondaire. Il ne s’agit pas non plus d’une réflexion sur ce qu’il faudrait faire dans un système scolaire idéal, dans des classes idéales. Il s’agit plutôt d’une proposition de pistes de travail pour résoudre des problèmes ouverts tels qu’ils se posent lorsqu’on enseigne nos disciplines.

Chacun des neuf chapitres qui suivent aborde un problème professionnel que rencontrent les professeurs d’histoire-géographie dans la préparation et la mise en œuvre de leurs cours de la 6e à la Tale. L’ensemble se situe dans le cadre des programmes français. Mais nombre de problèmes se rencontrent ailleurs, notamment dans l’espace francophone dès lors qu’il s’agit d’enseigner ces disciplines.

Une première série de problèmes est posée par les contenus : dans la trame infinie des savoirs sur le monde, sur les sociétés humaines, sur leurs espaces, sur leurs passés, lesquels doivent être acquis par les élèves ? Comment choisir ? Comment articuler ces savoirs avec ces idées souvent fortement présentes chez les élèves et que nous nommons « représentations sociales » ? Que faire des objets de savoir sensibles qui font controverse dans les savoirs savants ou experts ou plus encore dans la société ?

Une seconde série de problèmes se pose dès lors que nous considérons que savoir de l’histoire-géographie n’est pas apprendre le monde mais plutôt apprendre à penser le monde. Comment problématiser les savoirs ? Comment apprendre à raisonner en histoire-géographie ? Est-ce de cela qu’il s’agit dans la formulation des finalités, des compétences ou des capacités désormais prescrites ?





Une troisième série de problèmes se pose dès lors que nous considérons que de l’histoire-géographie passe par la mise au travail des élèves. Est-ce de cela qu’il s’agit lorsqu’on parle de faire accéder les élèves à l’autonomie ? Comment les faire écrire ? Quelles tâches, quelles consignes, quel questionnement, quel dialogue mettre en oeuvre ?

Le lecteur comprendra vite que la succession des neuf chapitres répond à une nécessité imposée par la structure linéaire d’un livre. Dans la réalité du travail des enseignants ces problèmes ne surgissent ni de façon dissociée ni à la suite l’un de l’autre. Ils sont imbriqués dans la complexité des situations d’enseignement et d’apprentissage. C’est pourquoi les questions traitées dialoguent entre elles, la réflexion est systémique. Nos propositions, nos réponses, font elles aussi système et même participent d’une théorie.

Les neuf problèmes que nous avons choisis ne couvrent pas, loin s’en faut, la totalité des questions que se posent les enseignants d’histoiregéographie. Nous les avons choisis parce qu’ils ont quelques caractéristiques communes. Ce sont des problèmes d’enseignant : problèmes de choix de pratique, de contenu, de gestes professionnels, de sens du métier. Si nous nous intéressons aux problèmes des élèves, par exemple au fait qu’ils éprouvent des difficultés à problématiser, nous les envisageons sous l’angle des problèmes de l’enseignant : ici sous l’angle de la difficulté (réelle et fréquente) à engager les élèves dans la problématisation. Adopter une telle posture suppose que nous renoncions à chercher l’explication dans une culpabilisation des élèves (trop bornés ou trop aliénés) ou des enseignants (incapables ou mal formés). Nous y voyons plutôt des défis à partager.

Il s’agit de problèmes qui se posent à tous les niveaux de la scolarité secondaire et quels que soient les élèves (qu’ils réussissent facilement ou non, qu’ils soient ou non en connivence avec la culture scolaire), mais aussi quelle que soit la pratique dominante des enseignants. Ils se posent à ceux qui préfèrent mettre au travail les élèves à travers le cours dialogué, comme à ceux qui préfèrent les mettre au travail à travers des tâches (travail sur documents, préparation d’exposés, situations problèmes, etc.) et à ceux qui préfèrent mettre au travail les élèves à travers le cours magistral. Ce dernier est, à nos yeux, une forme de mise en activité au même titre que les autres : suivre un cours magistral avec efficacité c’est tout sauf être intellectuellement passif ! Ces problèmes se posent à ceux, de loin les plus nombreux, qui préfèrent varier les formes de mise au travail des élèves en jouant de toute la palette des situations d’apprentissage. Enfin ces problèmes ont en commun d’avoir fait l’objet de travaux de recherche en didactique sur lesquels nous appuyons notre réflexion et nos propositions.




Celles-ci reposent en effet sur un double ancrage, dans la recherche et dans la pratique de classe, et sur une convergence dans la formation des enseignants d’histoire-géographie dans laquelle nous sommes engagés tous deux depuis des années.



Nous ne soulignerons jamais assez la contribution de nos étudiants et stagiaires à la genèse de ce livre : leurs questions, leurs objections, leurs essais, nos erreurs et nos réussites conjointes alimentent chaque proposition que nous faisons au fil des chapitres qui suivent. Dans leurs classes comme dans les nôtres, l’interaction avec les élèves a servi de sérum de vérité aux idées qui sont exposées ici : non pour déboucher sur des recettes infaillibles mais pour suggérer des possibles. Cet ancrage dans des pratiques de classe implique qu’il ne sera jamais question ici d’un élève idéal, de l’élève considéré, abstraitement, comme un être épistémique, générique ou représentatif voire moyen, jusqu’à ne correspondre à aucun élève réel. Les élèves, ce sont ceux avec qui chacun travaille au quotidien, ni tous bons élèves ni tous cancres, pour autant que ces catégories aient un sens. Ce n’est pas parce nous faisons un pari sur leur intelligence que nous ne connaissons pas les élèves et que nous supposons que cette intelligence est là a priori. L’intelligence, le savoirse construisent, et c’est tout l’enjeu de notre enseignement. Voici posées deux conceptions qui guident nos réflexions : le postulat d’éducabilité et la théorie constructiviste, ou socioconstructiviste. Le postulat d’éducabilité est défini par Meirieu comme le « postulat fondateur de toute activité éducative qui interdit d’attribuer une difficulté ou un échec d’un sujet à son "absence de dons" »1. Le constructivisme pose que le savoir ne se transmet pas d’un esprit à un autre comme on remplit un vase ou comme on marque un buvard, mais que l’acquérir suppose une activité intellectuelle volontaire et souvent coûteuse pour celui qui apprend. Adjoindre le préfixe « socio » signifie que cette activité intellectuelle s’exerce toujours dans l’interaction avec un enseignant, avec des pairs, parfois indirectement par des supports (livre, site Web, musée, derrière lesquels il y a d’autres esprits humains). Cela signifie, nous aurons l’occasion d’y revenir souvent, que le constructivisme ne se réduit pas à une pédagogie active, et qu’il ne conduit pas l’enseignant à s’effacer derrière l’animateur. Le constructivisme est un parti pris théorique sur lequel peuvent s’appuyer des pédagogies directives!

Le second ancrage de nos réflexions et propositions est celui de la recherche en didactique. Celle-ci, dans ce livre, n’est pas un point de départ : elle ne préside pas au choix des problèmes, elle ne dicte pas aux enseignants des résultats qu’ils n’auraient qu’à appliquer pour réussir. Ce n’est pas non plus un point d’arrivée : ce livre n’apporte aucun savoir nouveau qui enrichirait la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage de l’histoiregéographie. Nous donnons ici aux savoirs issus de la recherche un statut de ressource professionnelle, convoquée lorsqu’il en est besoin : ressource pour penser, ressource pour faire des choix raisonnés dans l’action, ressource pour inventer ses pratiques. Les chercheurs en didactique appuient leurs travaux sur des observations du travail des élèves et des enseignants, sur des questionnaires, des entretiens : le savoir qu’ils produisent est, scientifiquement parlant, toujours empirique. Cependant les questions qu’ils se posent ne sont pas les questions des praticiens. Partons, pour illustrer cette différence d’une assertion d’élève : « Staline c’est comme Louis XIV, un monarque absolu ». L’enseignant se demande : vais-je autoriser cet élève à prolonger sa réflexion en s’appuyant sur cette première compréhension du pouvoir personnel, ou vais-je lui suggérer de la remettre en cause en s’appuyant sur les différences de contexte, de mode d’accession au pouvoir, de pratique du pouvoir ? Et il doit répondre très vite, dans le fil du cours en train de se faire. Le chercheur se demande : quel type de raisonnement cet élève met-il en œuvre pour parvenir à cette affirmation ? Cette assertion
Résulte-t-elle d’une représentation sociale du concept de « monarchie absolue» ? Et il dispose de temps, peut recourir à des méthodes d’enquête, des comparaisons, pour apporter une réponse. Lorsque l’un et l’autre engagent le dialogue, l’enseignant demande : en quoi le fait de savoir qu’il s’agit d’un usage d’une représentation sociale me permet-il de choisir comment j’oriente la réflexion de cet élève ? Le chercheur interroge : quels sont les effets de la prise en compte des représentations sociales des élèves par l’enseignant ? Nous affirmons que ce dialogue est fécond. Et particulièrement pour les enseignants, auxquels est destiné ce livre. À quoi leur servent les savoirs produits par la recherche en didactique ? Selon notre expérience de formateurs, à penser les choix au quotidien de la pratique. C’est pourquoi des travaux que nous jugerions incontournables s’il s’agissait de faire l’état de la recherche en didactique de l’histoire-géographie, sont parfois beaucoup moins utilisés que d’autres, moins fondamentaux du point de vue de la recherche, qui abordent ou contribuent à éclairer les neuf problèmes que nous avons sélectionnés. C’est pourquoi aussi il nous arrive d’aller puiser quelques résultats dans d’autres didactiques.

Ce livre ne répond pas à la question « comment enseigner ? » mais plutôt à la question « comment choisir comment enseigner ? ». Nous y défendons une conception créative du métier d’enseignant qui recoupe largement ce que Schön nomme « praticien réflexif »1. Cette conception est exigeante puisqu’elle fait le pari de l’intelligence critique des enseignants, de l’autonomie, de la réflexion étayée plutôt que ceux de la soumission à la prescription et du don spontané. Les conseils que nous donnons sont là pour alimenter la délibération plutôt que pour indiquer la marche à suivre. Nous prenons cependant au sérieux les textes officiels (programmes, socle commun des connaissances et des compétences, Vade-mecum)2, et invitons parfois à les prendre au mot.

Cette exigence-là ne rend pas les choses plus confortables. Elle engage à se poser des questions, à interroger certains automatismes, certaines routines, certaines fausses évidences du métier d’enseignant d’histoiregéographie et souvent même, elle laisse un doute. Si ce n’est pas toujours plus agréable, cela rend incontestablement plus lucide et plus libre. Penser son métier comme un métier de création aide à construire l’enseignement à l’intersection complexe entre les programmes, les savoirs de référence, les finalités et la connaissance des élèves : autant de contraintes qu’il nous faut analyser et articuler pour construire le cours d’histoire ou de géographie. Les recherches en didactique fournissent des grilles de lecture de ces contraintes et des schèmes d’action diversifiés.

Chaque problème est abordé par quelques pages où nous en définissons les termes : « savoir », « connaissance », « représentation sociale », « compétence», « autonomie », et même « raisonner », « lire », « écrire » (etc.), que faut-il entendre par là ? Décrypter cet argot professionnel, en discuter les différents usages, est une première façon de ne pas s’en rendre prisonnier, d’échapper à des usages imposés souvent au prix du sens. C’est une façon d’en retrouver la richesse pour rendre compte de la complexité du réel. Certes on peut y voir un jargon : tout métier a besoin de mots techniques, tout artisanat génère un vocabulaire riche et spécialisé pour nommer ses outils particuliers. Ce vocabulaire est l’orgueil de ces métiers. L’herminette, le rabot à feuillure, la plane du charron, le trusquin, le wastringue ou la dent d’âne ne font pas seulement le plaisir de la langue des menuisiers, ils servent aussi à désigner efficacement et rapidement le bon outil pour la bonne fonction. Bien sûr nous n’en avons sans doute pas d’aussi poétiques (à nos oreilles), mais nos concepts professionnels servent aussi à désigner efficacement nos outils, nos gestes professionnels et peuvent constituer la fierté de notre artisanat, comme c’est le cas outre-frontières
(Astolfi, 1992). Ces éclaircissements lexicaux sont aussi l’occasion de présenter les débats, parfois les controverses, qui traversent le métier et nous en profitons pour y exposer et argumenter nos positions.

Le problème professionnel est abordé sous l’angle des usages de classe possibles : c’est là que nous mobilisons toute l’inventivité issue de nos expériences, de nos lectures et de nos rencontres. Le chapitre est suivi systématiquement d’une « balise » qui, sur l’une des questions relatives au problème professionnel traité dans le chapitre, propose un gros plan sur des exercices, des informations complémentaires sur un point précis, ou des pistes de réflexion pratique. Ces balises marquent la voie, mettent en garde, indiquent des étapes. Les chapitres articulent ainsi constamment des références théoriques et des pratiques d’enseignement sans que pour autant les secondes découlent directement des premières. Le problème professionnel traverse l’ensemble : les pages centrées davantage sur les pratiques contribuent autant à y répondre que les pages davantage théoriques, et d’ailleurs elles ne se succèdent pas strictement.

Nous avons choisi d’illustrer chacun des problèmes par des thèmes d’enseignement, qui sont filés sur la totalité du chapitre, l’un en histoire, l’autre en géographie. Aussi systématiquement que possible les exemples relèvent de ces thèmes. Ainsi les exemples du premier chapitre renvoient à des situations d’apprentissage du fait religieux en histoire et de la mondialisation en géographie. Nous avons choisi des thèmes dont l’enseignement pose souvent davantage question et qui supposent, là encore, des choix auxquels nos propositions veulent contribuer. Nous avons retenu, aussi souvent que possible, des thèmes sur lesquels ont porté des travaux de chercheurs en didactique afin que le tissage entre ces travaux et les propositions pratiques soit plus dense ; mais sans nous interdire de les démarquer ou de proposer autre chose. Chacun ajoutera ses propres exemples, adaptera ceux-là à ses besoins.

Les problèmes que nous avons choisi de traiter dans cet ouvrage se posent à tous les niveaux de l’enseignement secondaire : soit ils sont constitutifs de nos disciplines, soit ils correspondent à des prescriptions actuelles. Nous ne distinguons donc pas collège et lycée : à leur niveau, même les élèves de 6e peuvent être confrontés aux situations complexes et amorcer des apprentissages exigeants. Il en va ainsi, par exemple, de la problématisation: elle ne peut être la même en 6e et en 3e, en 2de et en Terminale, mais organiser les savoirs autour d’une question structurante, cela s’engage à tous les niveaux. De telles démarches signifient-elles que nous prétendons faire des élèves de petits historiens, de petits géographes voire de petits épistémologues? Certainement pas. Il y a entre le métier de chercheur et le métier d’élève une différence essentielle qui tient à leurs finalités. Si le chercheur doit faire grandir le savoir et le mettre au service de la société, l’élève a pour objectif de grandir lui-même, de faire grandir son propre savoir pour participer à la société. Nous revendiquons la fonction de formation citoyenne de nos disciplines, la fonction sociale de l’histoire et de la géographie scolaires, celle qui justifie que tous les élèves y consacrent un nombre d’heures élevé au cours de leur scolarité et que la collectivité nous emploie. Cette fonctionsociale passe par des savoirs partagés qui fondent une identité collective et autorisent le débat public et par des savoirs critiques, qui permettent de mettre à distance jusqu’à cette identité collective afin qu’elle ne soit pas exclusive et excluante. Cette fonction sociale passe aussi, dès 1902, par l’ambition de rendre les élèves plus intelligents, et de ce fait moins susceptibles de se laisser duper politiquement et plus utiles aux autres.

1.  Enseigner, apprendre : savoirs et connaissances

« Ah ! Si, au moins, ils avaient un peu de connaissances ! »
« Sans connaissances, comment voulez-vous qu’ils puissent comprendre le document ? »

De tels constats s’entendent fréquemment dans les réunions de correction du brevet des collèges ou du baccalauréat. Le terme « connaissances » y désigne indifféremment « ce que l’on sait pour l’avoir appris » ou « la manière de connaître » (Le Robert, 1997) mais la plupart du temps signifie contenus factuels et notionnels (c’est d’ailleurs aussi le sens dans le Socle
Commun des Connaissances et des Compétences, infra socle commun), par distinction d’avec des méthodes (savoir-faire), plus rarement d’avec des attitudes ou des savoir-être. Des didacticiens, en prenant appui sur l’épistémologie, y ajoutent les concepts et les raisonnements structurant la discipline. Le mot reste quelque peu attrape-tout, ce qui n’aide guère la réflexion professionnelle.


Ce chapitre propose d’explorer la notion du point de vue de son usage didactique: qu’est-ce qu’une connaissance en histoire et en géographie ? À quoi cela sert-il ? Comment choisir dans l’étendue des savoirs, ceux qui doivent être enseignés et appris ?

Nous partons de quelques précisions lexicales : savoirs, connaissances, concepts, apprendre, comprendre. Autant de termes pour lesquels, nous affichons nos choix de significations et de reformulations, nos définitions. Ces choix reposent avant tout sur les acceptions formalisées par les recherches en didactique. Mais celles-ci sont également diverses. Choisir dans cette diversité c’est affirmer les valeurs qui nous portent, nos conceptions de l’enseignement, de l’histoire, de la géographie, et notre compréhension de ce qu’est apprendre dans nos disciplines.

Deux questionnements traversent ce chapitre :
La question des « fondamentaux » : peut-on identifier dans nos disciplines des éléments dont l’acquisition constituerait les bases initiales sur lesquelles, ensuite, se construiraient des savoirs ? Ou bien faut-il considérer dès l’abord que toute connaissance dans nos disciplines n’existe que dans le réseau des concepts, des interprétations, des faits… qui lui donne sens ?

La question de la « transposition didactique » : quelle différence peut-on faire dans nos disciplines entre savoirs scolaires et savoirs savants ? Quelles relations unissent ces deux types de savoir ? L’emploi de l’expression« transposition didactique » est utile pour désigner autre chose que l’idée selon laquelle la relation entre les savoirs savants et les savoirs scolaires serait celle d’une application des premiers aux seconds selon une adaptation homothétique ou une simplification.

Pour illustrer ces définitions et répondre à ces problématiques nous mobilisons des exemples, pour la plupart relevant de deux thèmes empruntés aux programmes de collège et lycée : celui du fait religieux en histoire et celui de la mondialisation en géographie. En France, les manuels sont des outils indispensables de l’enseignant et des élèves. Même si tous ne reposent pas sur les principes que nous défendons, il est possible d’en faire usage ! La balise 1, à la suite du chapitre, suggère quelques exercices pour conduire les élèves à infléchir leur rapport au savoir.

1.      Savoirs et connaissances : de quoi s’agit-il ?

Nous appelons « savoirs » ce qui est encore extérieur à celui qui apprend et « connaissances » ce qui est mémorisé sur le long terme, mis en relation avec les acquis antérieurs, doté d’un sens pour celui qui a appris, bref, intériorisé.
Ce que présentent les manuels et les cours, ce sont des savoirs ; ce que l’élève assimile, ce sont des connaissances. L’un n’est pas équivalent à l’autre. Les connaissances, c’est ce qui permet d’avoir des solutions aux problèmes qu’on rencontre, d’agir dans des situations : l’opposition connaissances- compétences est une fausse opposition (chapitre 6). Et les connaissances ne sont dotées de sens que si elles ont une efficacité, une pertinence, en classe et ailleurs. Elles doivent permettre à l’élève de comprendre et de résoudre les problèmes auxquels il est confronté.

Exemples :
Connaître les conditions de l’écriture de la Bible et l’hétérogénéité du texte permet de répondre aux problèmes posés par les dissonances entre archéologie et texte et de la considérer comme un document historique et non un texte sacré (que le dogme dit « Inspiré par l’Esprit saint »).






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