lundi 26 juin 2017

Compte-rendu de soutenance de thèse en Didactique de l’Histoire



Compte-rendu  de soutenance de thèse en
 Didactique de l’Histoire
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Etudiante : Mariem Et-Turki

Titre de la thèse : « l’Identité spatiale tunisienne à travers les trois réformes du système éducatif (1958, 1991 et 2002) »

Date et lieu de soutenance : 8 juin 2017 à l’Institut Supérieur de l’Education & de la Formation Continue (ISEFC - Université Virtuelle) – Tunis

Directeur de Recherche : Pr Mokhtar AYACHI


            Mariem Et-Turki est professeure d’enseignement secondaire (PES) qui a une expérience de la classe de plus de 25 ans. Le thème qu’elle traite ici ainsi que le corpus mobilisé lui sont très familiers. Elle nous livre donc le produit d’une observation et d’une pratique didactique vécue au quotidien professionnel dans la durée.

            La candidate est le genre de l’élève appliquée et assidue, très émotive même. Elle reproduit, en quelque sorte, la posture ou le profil de l’élève modèle qu’elle souhaite sans doute avoir devant elle en classe. Ancienne étudiante de l’ISEFC que j’ai eue pratiquement en permanence dans mes cours d’épistémologie et de didactique de l’histoire, pratiquement depuis une décennie, entre la 1ère année Mastère, l’encadrement et la soutenance de son mémoire en avril 2011 et enfin en thèse par la suite.

            Professeure d’Histoire-Géo, elle se place à l’intersection de ces deux disciplines jumelles qui étudient, se partagent, voire se disputent l’homme en société dans le temps et dans l’étendue de l’espace. Sa relation avec l’espace tunisien précisément (en partant du haut de la carte géographique de la Tunisie, de Bizerte où elle réside) est devenue intime. En effet, déjà le sujet de son Mastère s’intitule ainsi: « Construction historique de l’espace tunisien dans le manuel d’histoire au collège : attentes épistémologiques et pratiques didactiques ».

            Le référentiel historique concernant l’espace national est donc repris ici dans une dimension plus grande d’une thèse traitant de l’identité tunisienne. Le corpus dépasse le cadre du manuel pour embrasser le projet de société de la Tunisie indépendante dans son évolution au cours de trois moments historiques : 1958, 1991 et 2002.

            Comment se dégage donc les contours de l’identité spatiale nationale, à travers les trois textes législatifs définissant les orientations ou le cadre juridique de la question identitaire au niveau du système éducatif tunisien ? C’est ce que tente de montrer magistralement la candidate dans son travail.

            Celui-ci, composé de 339 p, comprend 220 p de texte relatif au sujet directement (annexes et bibliographie mises à part). Trois parties, dont deux d’égale importance, forment la structure de la thèse. Il s’agit dans l’ordre de :

     1 – Lecture critique de l’état des lieux de l’enseignement de l’identité spatiale nationale dans le cycle de l’enseignement du second degré. Il s’agit du diagnostic de ce que les programmes et les manuels scolaires réservent à la question, objet d’étude présenté en tant que « situation problème » légitimant la raison de la recherche.
     2 – L’appréciation de la recherche scientifique en rapport avec la question de l’identité spatiale. Il s’agit ici de la « visite du savoir savant » par une sorte de revue de lecture de travaux antérieurs. Au niveau quantitatif, cette deuxième partie se situe en deçà des deux autres (la précédente et la suivante) et mériterait davantage de développement. 
     3 – Enfin, une troisième partie est réservée au rapport empirique scolaire à l’identité et à l’espace. Y sont exposés les outils de la recherche de terrain concernant le choix de la population enquêtée, les lieux de l’enquête ainsi que son déroulement. Cette dernière partie est réservée également à la présentation et à l’analyse des résultats de l’enquête obtenus à travers les questionnaires-élèves, professeurs et inspecteurs.

            Ce travail comporte également trois annexes formées de : trois exemplaires relatifs aux trois publics ciblés de l’enquête, trois textes des lois relatives aux trois réformes qu’a connues le système éducatif au cours des années 1958, 1991 et 2002.

            Enfin, y est joint un exemplaire des deux programmes officiels d’histoire au cycle secondaire de 1998 et 2002. Finalement, un corpus important formé d’une riche bibliographie bilingue est présenté d’une manière thématique et relativement critique.

            Après cette revue plutôt descriptive du travail il faut reconnaître qu’il s’agit d’une recherche originale menée ici par la candidate sur le concept de l’identité spatiale de la Tunisie dans les curricula de l’enseignement secondaire, à travers les trois réformes qu’a connues le système éducatif national au cours des trois moments évoqués entre 1958 et 2002.

            L’approche méthodologique suivie dans le travail est caractérisée par une innovation, au niveau de la didactique de la recherche en histoire, qui commence par dresser un diagnostic de la « situation problème » de la recherche en se basant sur un langage conceptuel et sur une approche analytique. Il s’agit de la lecture critique de l’état des lieux formant la problématique (de départ) à partir de laquelle est visité ensuite le savoir savant conduisant aux résultats de la recherche. La partie empirique vient ainsi répondre aux attentes et aux hypothèses de travail formulées au départ. 

            La candidate constate que le concept d’identité spatiale est utilisé tout au long de la scolarité d’une manière implicite (rarement expliqué ni dans les manuels, ni par les enseignants ou les inspecteurs). Si l’identité tunisienne est clairement définie, l’identité spatiale du pays ne l’est pas. Le législateur insiste dans le texte de loi de Juillet 2002 sur les multiples sentiments d’appartenance de la Tunisie à une civilisation millénaire aux dimensions multiples : nationale, maghrébine, arabe, musulmane, africaine et méditerranéenne avec une ouverture sur la civilisation universelle.

            Mariem Et-Turki a bien défendu tout au long de son travail la thèse, selon laquelle, l’ « identité spatiale, en tant que complément indispensable aux autres composantes culturelles et civilisationnelles, constitue un fond commun des liens et valeurs en partage, un réel trait d’union avec l’altérité ».

            Enfin, y a-t-il un travail de recherche de doctorat sans lacunes ? Loin de là. Les imperfections, à commencer par la saisie du texte sont certes présentes et l’encadrement ne peut prétendre évidemment en venir à bout. Je laisse ici le soin à l’évaluation de mes collègues membres du jury, notamment pour les carences observées dans la partie empirique.

            Cependant, l’assiduité et la détermination de la candidate de toujours progresser dans ses recherches sont rassurantes et l’on ne peut qu’apprécier, à mon avis, l’originalité d’un tel travail qui vient enrichir la bibliothèque de l’ISEFC dans les spécialités de la didactique, non seulement de l’histoire, mais également de la géographie. D’ailleurs, la présence,  parmi nous, de notre collègue géographe, Adnène Haydar, au Jury, est fort significative.